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Contre la machine policière, faisons monter la pression !

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UN PROBLÈME D’IMAGE

Quand on parle de la loi « sécurité globale », c’est surtout de son article 24 qui pénalise le fait de diffuser des images où des policiers sont identifiables. Il est vrai que c’est un gros cadeau de la part du gouvernement aux syndicats de police, qui réclament depuis longtemps de telles mesures. Mais contrairement à ce que l’on peut entendre dans les discours politiques et médiatiques ces dernières semaines, la loi sécurité globale est bien plus qu’une attaque contre la liberté de la presse et la profession de journaliste ou de photoreporter.

Tout d’abord, concernant l’article 24 en lui-même, il remplit surtout deux fonctions :

  • casser le phénomène de vidéos virales qui mettent en cause des flics, attisent la révolte en créant le scandale, et qui sont bien souvent des vidéos amateurs : coup de poing sur un lycéen parisien en 2016, affaire Théo Luhaka, affaire Cédric Chouviat, coup bas des flics lors de l’expulsion des migrants place de la République à Paris, affaire Michel Zecler…
  • justifier l’intervention physique des flics au moment où quelqu’un les filme : il s’agit de donner un cadre légal à des pratiques d’intimidation qui existent déjà largement

En effet les pratiques réelles des flics sont toujours en avance sur les lois qui les officialisent, et cela va bien au-delà de l’article 24.
C’est notamment le cas pour la vidéosurveillance, autre grand point de cette loi. De l’aveu même du gouvernement, il s’agit de légaliser des pratiques qui existent déjà, en particulier sur l’usage des drones. Pour maintenir l’ordre social, l’État a besoin des prises d’initiative de sa police, au niveau du quotidien des brigades de flics, mais aussi aux niveau des centres de commandement de la police comme c’est le cas pour les drônes. Pour être efficace le maintien de l’ordre à besoin de s’adapter rapidement à l’aide de pratiques « hors cadre ». Mais ces pratiques ont un coût pour l’État : elles donnent une mauvaise image des institutions en passant à la trappe le peu de garanties qu’il nous reste face au pouvoir, et elles produisent des tensions entre institution policière et judiciaire.

L’encadrement législatif est toujours en notre défaveur ! Cette nouvelle loi ne vient pas seulement renforcer les pratiques policières, mais réparer le lien entre police et justice : les images produites par toutes les formes de caméras utilisées par la police seront utilisables pour nous poursuivre dans les tribunaux, ce qui n’était pas le cas avec des images « hors cadre ».

  • L’utilisation des drones, ainsi que celle des « caméras piéton » portées par les flics, qui pourront désormais transmettre des images en direct au commissariat, permettent :
    de coordonner plus facilement les interventions des flics, notamment en manif
  • de fournir beaucoup plus de matière aux enquêtes judiciaires en donnant un cadre légal aux images, en multipliant les points de surveillance, et en accélérant l’exploitation des données
  • de peser dans la bataille des images : les vidéos des caméras piéton pourront désormais être utilisées pour « l’information du public » dans des opérations de propagande sur les réseaux sociaux

Dans une situation où tout le monde peut très facilement produire et diffuser des images, cette loi permet à la police de reprendre la main sur un phénomène qu’elle ne parvient pas toujours à maîtriser. D’un côté elle limite la diffusion des images qui mettent les flics en cause et jettent de l’huile sur le feu de la révolte ; de l’autre elle systématise au contraire la production de ses propres images qui permettent de poursuivre, condamner et réprimer.

À nous d’inventer les formes qui permettent d’intervenir dans la bataille des images sans produire des éléments à charge contre les participants aux mouvements !

DERRIÈRE LA POLÉMIQUE, L’OPTIMISATION DE LA MACHINE POLICIÈRE

Ce qui est au cœur de la loi sécurité globale, au-delà de la question des images, c’est le projet de renforcer le dispositif répressif dans son ensemble (pudiquement baptisé « continuum de sécurité »). Ce n’est sûrement pas la réécriture annoncée de l’article 24 qui y changera quelque-chose !

Les articles 1 à 6 prévoient d’étendre les compétences d’intervention de la police municipale, contre diverses pratiques qui ne manqueront pas de se multiplier avec la crise économique: vente à la sauvette, défaut de permis de conduire ou d’assurance, occupation de halls d’immeuble, usage de stupéfiants, installation sur terrain municipal… Notamment ils pourront immobiliser et mettre à la fourrière des véhicules, et faire des saisies directement dans la rue.

Le texte de loi propose également de réglementer le recrutement et le fonctionnement de certaines agences de sécurité privée, pour en faire des auxiliaires de police. Ils seront dorénavant habilités à rédiger des procès verbaux et tenter de leur échapper sera passible de 2 mois de sursis et 7500 euros d’amende. Il s’agit d’une extension du délit de fuite qui existe depuis 2016 pour les contrôleurs, ce qui rend beaucoup plus facile la distribution d’amendes dans les transports.

Ces deux corps, police municipale et « agents assermentés » du privé, pourront à présent effectuer des contrôles d’identité et alimenter des procédures, ce qui permet d’engager des poursuites judiciaires sans passer par la police nationale.

Enfin, cette loi comporte quelques gros susucres lâchés à la corporation policière, comme la suppression des remises de peines pour les personnes condamnées pour violence sur un flic. Cette mesure jusque là reservée aux détenus condamnés pour terrorisme revient à allonger les peines, le tout pour un délit massivement utilisé dans la répressions des manifestants. On peut citer aussi l’autorisation de porter une arme hors service dans les établissements accueillant du public (bars, salles de concert, boîtes de nuit…), et bien sûr le fameux article 24. Pour un gouvernement qui repose aussi lourdement sur une répression frontale, il est capital d’avoir les flics dans la poche en brossant leurs syndicats dans le sens du poil.

En plus de renforcer la police qui bénéficie déjà d’une vague de recrutement sans précédent, ces mesures permettent une économie de moyens en libérant la police nationale de certaines tâches. Mettre à jour la machine policière, faire passer un niveau à toutes les « forces de sécurité » (flics, gendarmes, policiers municipaux, police ferroviaire et contrôleurs, vigiles en tout genre…), aligner police et justice, réprimer avec plus d’efficacité, pour moins cher : un programme qui semble indispensable au gouvernement, étant donné la vague de contestation sociale actuelle et à venir.

LA LOI SÉCURITÉ GLOBALE… ET LES AUTRES

Par ailleurs la nouvelle réforme de l’université (LPR), adoptée le 20 novembre, crée un délit pénal « d’intrusion » dans les facs. Il s’agit clairement d’empêcher l’organisation des luttes sur les campus alors même qu’ils font partie des derniers lieux de brassage lors des mouvements, où de nombreuses personnes étudiantes ou non peuvent notamment participer à des Assemblées Générales. Chacun chez soi et à sa place nous dit le gouvernement, sus aux étrangers et vive le corporatisme !

Ces lois fonctionnent ensemble. Ce ne sont pas des attaques ponctuelles et précises contre la corporation des journalistes ou celle des universitaires, elles poursuivent une tendance de fond qui existe depuis des années. La police et la justice prennent de plus en plus de place dans nos vies en général, et dans la répression des luttes en particulier. S’opposer à la loi sécurité globale, bien au-delà de la seule question de la liberté de la presse, c’est donc s’opposer à cette tendance de fond, défendre les pratiques de lutte : défendre la possibilité même de ne pas se laisser faire.

Pour espérer une victoire en 2022 le gouvernement actuel n’a qu’une solution : réussir à faire passer les réformes prévues pour la fin du quiquennat (APL, retraites, chômage…), en revenant sur le terrain des négociations avec tous ceux qui voudront bien se mettre à table. Le mandat de Macron est jusque là calamiteux, à nous de le rendre catastrophique ! Si la défaite d’un gouvernement en-soi ne permet pas de gagner, renverser le rapport de force est une nécessité vitale pour nous défendre face à la vague des attaques capitalistes qui viennent pourrir nos conditions de vie. Le capitalisme a besoin de se transformer pour survivre, et il compte bien nous faire payer la facture, on ne le laissera pas faire !

DE RETOUR DANS LA RUE !

Deux ans après le lancement du mouvement des Gilets Jaunes, le plus combatif que la France ait connue depuis plusieurs décennies, et après plusieurs mois d’hibernation sous le coup de l’état d’urgence sanitaire, la contestation contre la loi sécurité globale nous rappelle que seules des manifestations déterminées peuvent réussir à mettre à mal le programme répressif de l’État. Si le gouvernement a déjà en partie reculé sur l’article 24 en annonçant sa réécriture, il nous semble évident que ce n’est là qu’une manière de faire taire une contestation beaucoup plus globale face au serrage de ceinture généralisé qu’on nous promet.

Ce recul, presque immédiat après les manifestations offensives du week-end du 28 novembre, est, de l’aveu même de certains membres de l’exécutif, une victoire de la rue. Ne nous arrêtons pas là, ouvrons la brèche !

CONTRE LA LOI SECURITE GLOBALE DANS SON ENSEMBLE

CONTRE L’INTRUSION GRANDISSANTE DE LA POLICE ET DE LA JUSTICE DANS NOS VIES

POUR CONTINUER A S’ORGANISER ET A LUTTER

NE LÂCHONS PAS LA RUE !

La Défense Collective de Rennes

Retour sur les arrestations du 19 février

Ce mardi 19 février à l’aube, le Raid a mené une opération sur deux appartements en vue de procéder aux perquisitions et aux arrestations de deux personnes qui seront menottées (leurs colocataires et conjoints le seront le temps de l’arrestation) et immédiatement placées en garde-à-vue. 
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Motif de la descente : elles sont suspectée d’avoir commis des dégradations en réunion et à visage dissimulé sur des agences bancaire et immobilière et des caméras de surveillance lors de l’acte XIII du samedi 2 février à Rennes.
Les effets personnels saisis seront pour l’essentiel des fringues ( sweats, pantalons, chaussures… ) censées les relier aux auteurs des dégradations, des gants de bricolage, quelques outils pris manifestement au hasard.
Les deux camarades seront gardés au poste pendant une trentaine d’heures, durant lesquelles ils affirmeront ne rien avoir à déclarer, refuseront de signer les PV, d’être photographiés (notamment pour ce qui est de la reconstitution) et de donner leurs empreintes et l’ADN, comme cela est conseillé depuis de nombreuses années dans les différents assemblées et espace de lutte. 
Les officiers de police judiciaires, visiblement blasés d’avance, n’insisteront que très peu pour obtenir ces données, preuve que la diffusion de ces pratiques de défense commencent à rentrer dans les habitudes.
De prime abord, les questions semblent avoir porté essentiellement sur la manifestation du 2 février, avec une centralité des images (manifestement d’assez bonne définition) récupérées via la vidéosurveillance de la ville et des banques visées, ciblant des personnes et notamment les détails de leur habits (couleurs, marques, traces d’usure…). Les flics auraient passé de longues heures à bricoler des photo-montages manifestement hasardeux cherchant à montrer les correspondances entre les camarades et les personnes masquées auxquelles ils seraient soit-disant affiliés.
Mais lors de la deuxième audition, ce qui nous a été rapporté montre que les flics (notamment à partir de document produits par le renseignement) ont cherché à mettre sur le dos des camarades une responsabilité beaucoup plus large dans les affrontements et les dégradations des enseignes et des bâtiments visés par les manifestants. Le vieux croque-mitaine de l’ultra-gauche, à laquelle ils seraient assimilés, aurait fait son retour à la faveur du mois de janvier…
Après une nuit au poste, ils seront présentés devant un juge des libertés et de la détention (JLD) pour un placement sous contrôle judiciaire, ce qui montre toute la faiblesse d’un dossier dont l’ampleur des moyens déployés et les chefs d’inculpation auraient laisser imaginer une demande de placement en détention provisoire.
Le JLD, face au vide du dossier et une intervention solide des avocats sur ce montage destiné en premier lieu à les empêcher de prendre part au mouvement et aux manifestations, finira par libérer les camarades sous les contraintes suivantes : pointage une fois par semaine au commissariat, interdiction du centre-ville de Rennes le samedi et dimanche, et interdiction de rentrer en contact entre eux, le tout jusqu’à leur procès au mois de juillet prochain.
De ce qu’on a donc pu comprendre, cette opération fait suite à une courte enquête préliminaire menée par la Direction Département de la Sécurité Publique (DDSP), et dont le débouché aurait pu être l’ouverture d’une information judiciaire visant une part plus large du mouvement des gilets jaunes à Rennes.
Il convient de revenir à minima sur le battage médiatique mené en parallèle aux arrestations et aux gardes-à-vue, dans laquelle Ouest-France a réaffirmé sa position de service communication du Carré Rennais (avec sa porte-parole, Nathalie Appeurée) et bien-sûr de la police rennaise : on y trouvera en premier lieu le nouveau directeur de la DDSP 35 (visiblement rédacteur en chef du moment), qui reprend la croisade de ses prédécesseurs contre les résurgences saisonnières de l’insaisissable mouvance anarcho-autonome, dont les terribles miasmes d’ultra-gauche auraient contaminé le paisible mouvement des gilets jaunes rennais pour les transformer en black-blocs complètement possédés.
L’opération policière et médiatique, avec les effets spéciaux du RAID et les gros titres de Ouest-France, font partie des grosses ficelles du pouvoir usées jusqu’à la corde contre chaque mouvement d’ampleur. 
A la veille d’une grande manif interrégionale à Rennes, il s’agit clairement de produire une division au sein du mouvement entre de prétendus bons gilets jaunes (citoyens responsables, amateurs de services d’ordre, de manifs déclarées et de listes aux européennes) et les éternels moutons noirs du pouvoir : ceux qui refusent le dialogue et les manifs qui ne dérangent personne, qui ne rentrent pas chez eux en échange de 100 balles et un mars, et qui ont bien l’intention de mener le mouvement jusqu’au bout.
Nous appelons donc toutes les personnes engagées dans la lutte à combattre ce piège grossier tendu au mouvement, ainsi qu’aux coups de pression et au climat de terreur que la police tente d’instaurer à Rennes comme partout où la mobilisation continue. 
La meilleure réponse pour nous, c’est refuser la dissociation, c’est soutenir tous les inculpés sans distinction et exiger l’amnistie pour toutes les personnes mises en causes par la justice dans le mouvement.
C’est redoubler notre implication dans les blocages et les manifestations, combattre la peur et s’opposer radicalement à la mise en place de la loi anti-casseurs qui donne aux flics le pouvoir de mettre en miette notre liberté de manifester et de lutter.
Ne cédons pas aux menaces, au chantage, aux coups de pression.
Continuons à lutter et à nous retrouver dans la rue lors des manifestations et blocages !
De la rue au tribunal,
Défense Collective.

C’est jaune, c’est moche et ça peut vous pourrir la vie…

AVANT-PROPOS : ce texte a été rédigé avant le début du mouvement des Gilets Jaunes. Dès le lendemain du 17 novembre, notre participation progressive dans ce mouvement nous a conduit à abandonner notre opposition péremptoire, comme le montrent d’ailleurs nos nombreuses prises de positions en faveur du mouvement des Gilets Jaunes par la suite, ainsi que nos compte-rendus de procès lors de cette séquence politique. Envers et contre tout, ce texte soulève des critiques et interrogations qui nous ont accompagné à travers ce mouvement.

Pourquoi nous n’irons pas au 17 novembre ?

Ce 17 novembre n’a pas encore eu lieu que pourtant déjà fleurissent un peu partout des commentaires qui érigent cet appel en « mouvement » . On parle ainsi d’agrégat de colères diverses et variées, de vent de révolte populaire au sens strict du terme, et de formes de mobilisation échappant aux organisations conventionnelles. Un mouvement social aux formes inédites et capable de dépasser la situation sociale actuelle serait en gestation ? Pour l’heure, le moteur et le seul trait commun de l’ensemble des appels à l’action est une grogne antifiscale, devant se manifester par le biais d’un blocage routier…

« On bloque tout » ? On rit jaune…

Si le terme de « blocage » semble clair pour quiconque a une fois dans sa vie participé de près ou de loin à un mouvement social, dans le cas présent il revêt un aspect pour le moins singulier, notamment en raison de sa date de mise en application : le samedi. Que peut-on espérer concrètement d’un blocage un jour de fermeture de la plupart des entreprises ? Voilà la question qu’on peut se poser en premier lieu. Contre qui espère-t-on imposer un rapport de force si l’on décide d’être le moins nuisible possible pour les patrons ? D’autant plus que l’on voit fleurir parmi les consignes de certains évènements des messages du type « laisser passer ceux qui travaillent », etc.

Ces modalités d’action n’ont rien d’inédit : elles sont courantes chez les groupements politiques droitiers, les syndicats corporatistes, les petits commerçants défendant la liberté d’exploiter… Dupont-Aignan a plusieurs fois lancé des actions de « blocage » auprès de stations de péage autoroutiers, même chose pour les Bonnets rouges. À chaque fois fut posé en règle de base le respect de la « liberté de travailler » justifiant la date et permettant de créer la distinction à faire avec les mouvements sociaux ; à chaque fois ces actions furent qualifiées d’un prétendu « spontanéisme populaire des gens des périphéries », qui trouveraient par ce biais les moyens de « se faire entendre ». Le « blocage » des gilets jaunes n’en est pas un : il n’a pas pour objectif de perturber l’économie, de mettre en difficulté le patronat, ni de libérer du temps pour s’organiser, mais uniquement de rendre visible une « colère » censée être « apolitique ».

Le mouvement des gilets jaunes tiendrait également sa spécificité d’une forme d’organisation éclatée « jamais vue ». Il se structurerait informellement autour de Facebook, sans chef identifiable. On tient là le nœud du problème, puisqu’à vouloir prendre pour vérité le miroir déformant d’Internet, on passe à côté des éléments les plus importants d’analyse. Tout d’abord, il est faux de considérer que ce mouvement est un tant soit peu horizontal ou sans chef, c’est un effet de complète dispersion des mots d’ordres qui procure cette impression. Même Libération nous le rappelle : « Dans ces mouvements grassroots venus d’Internet, le chef, c’est l’admin de la page Facebook. Rien de plus. »1 Et tant pis pour les espaces de discussion politiques ou stratégiques, place aux nouvelles formes d’organisation 2.0 !

En ce qui concerne les gilets jaunes rennais, par exemple, leur espace d’organisation hors Facebook a consisté en tout et pour tout en deux réunions pendant lesquelles les organisateurs de l’événement ont donnés leurs ordres à une petite trentaine de personnes, présentant de longues consignes de sécurité et montrant manifestement que tout était déjà préparé avant la réunion, qui ne servait qu’à galvaniser les troupes (« Vous pouvez applaudir ! »). Pour le fond politique, ils se sont contenté de répéter vaguement le plus petit dénominateur commun entre les membres de leur public, « Marre des taxes ! », et d’insister au final sur le caractère apolitique de la démarche : « C’est un mouvement citoyen » et autres « Si on voit des banderoles, on les arrache ! ». Pour les modes de mobilisation horizontaux et révolutionnaires, on repassera…

La « France périphérique » s’en va-t-en guerre

La construction d’un rapport de force contre l’État, via la revendication antifiscale, pour une question de baisse des prix de l’essence n’est pas anodine. Il trouve son sens dans un regroupement populaire formé par la poursuite d’intérêts communs ? Mais ceux-ci s’appuient sur une structuration sociale opposant le « peuple de France » (qui regroupe pêle-mêle entrepreneurs, cadres, commerçants, ouvriers, retraités et employés, en bon ordre interclassiste, et sans distinction de positions politiques bien sûr, on est pas là pour ça) aux élites urbaines coupées des problématiques populaires. En effet le « peuple » conceptuel pointe invariablement son nez quand le rapport de classe passe en arrière-plan.

Le flou qui en résulte s’exprime aussi notamment dans des référence historiques aux contours douteux, évoquant « le monarque contre la plèbe », les révoltes paysannes sous l’ancien Régime et ainsi de suite. Se sentir obligé d’aller chercher des références datées de plusieurs siècles pour expliquer la source d’un conflit de 2018 laisse songeur. Sans même s’en rendre compte, la plupart des dernières analyses du « mouvement des gilets jaunes », posent comme acquise l’existence d’un « peuple des périphéries » (groupement de bon sens autour d’un « ras le bol de Macron », et du rejet du mouvement social) qui s’oppose aux « bobos des villes » et aux décideurs.

C’est exactement le schéma de société théorisé et défendu par l’extrême droite, notamment parce qu’il porte en lui la refonte des questions de classes autour de concepts presque exclusivement territoriaux. Ainsi, le monde fonctionnerait autour des salauds « bobos », habitants des villes, ennemis jurés de l’essence, en rupture décadente avec le « passé » du bon peuple de France. Pour sauvegarder ce schéma de société, une barrière morale est érigée autour de la figure du « pauvre de campagne », qui a la vie dure non pas a cause de son patron qui ne le paye pas suffisamment pour qu’il puisse se rendre sur son lieu de travail, mais à cause des taxes, et d’un ennemi aux contours flous, aux allures complotistes.

La barrière morale se dresse alors spontanément face à quiconque mettrait en doute le bien fondé de ce genre de définition du « peuple », lui opposant par exemple la société de classes. Critiquer les gilets jaunes relèverait du mépris des « gens de la ville ». Critiquer des gens qui déclarent que « les mouvements sociaux ne servent à rien » serait du mépris. Le texte publié par Nantes Révoltée2 à propos de cet événement du 17 Novembre affuble les grèves récentes de l’adjectif « inutile ». Ceux-là même qui participent activement au mouvement social oublient donc ce qui cimente son organisation : la prise de décision et l’action collective pour défendre nos intérêts de classe.

Bonnets rouges et gilets jaunes : l’extrême droite reprend des couleurs

La question brûle toutes les lèvres : y a-t-il des membres d’extrême droite dans les gilets jaunes ? Si oui, prouvez-le avec des noms et des CV ! À l’heure des Le Pen en tête des intentions de vote, des Bolsonaro, Trump, Salvini… il paraît bien dérisoire de chercher à satisfaire ce genre de demande de justifications pour qualifier un phénomène qui en fait porte en lui-même la structure d’un mouvement d’extrême droite. Face à un tel évènement, on se doit d’analyser les rouages idéologiques du discours et des modes d’action, les formes collectives à l’œuvre si elles existent, et d’éviter les logiques de traques individuelles, qui ne permettent pas à elles seules d’expliquer les succès de l’extrême droite. D’autant plus que les justifications, lorsqu’elles sont fournies (ce qui dans le cas présent est chose facile), sont systématiquement rediscutées : tant qu’on ne trouvera pas Adolf Hitler administrateur de l’évènement parisien du 17 novembre, on ne pourra probablement rien « prouver ».

La seule analyse intéressante à produire concerne la nature du mouvement, et les effets qui se produiront à l’intérieur même de sa réalisation politique. Et la principale menace que porte le mouvement des gilets jaunes est bien ici : il a toutes les caractéristiques du terreau idéal qui va permettre à l’extrême droite de se structurer. Ce fut le cas lors de la Manif Pour Tous, mais aussi lors du mouvement des Bonnets rouges.

Il est important d’opérer ici un bref rappel de l’affaire des Bonnets rouges, tant les similitudes avec les gilets jaunes sautent aux yeux. Les Bonnets rouges apparurent en 2013, dans un contexte de luttes sociales au sein de plusieurs industries emblématiques de la région. Dès le début, le mouvement semblait échapper au schéma classique et regroupait des patrons locaux, des salariés, certaines branches d’agriculteurs et de routiers. Les mots d’ordre et attentes étaient on ne peut plus disparates, allant de l’assouplissement du droit du travail à l’abattement des portiques écotaxe, en passant par diverses revendications issues du nationalisme bretonnant. Toute l’affaire tenait alors d’elle-même grâce à la composition théorique d’une « nature bretonne » des individus. La faiblesse de la chose prête à sourire, quand on pense que la plupart des arguments qui se sont posés sur le sujet avaient trait à des attributs vestimentaires folkloriques ou des labels régionalistes sur des boites de pâté. Qu’importe, ce fut ce qui permis aux ouvriers d’aller main dans la main avec leur patrons assister à l’abattage de portiques à « taxe écolo ». Le « peuple breton » avait trouvé sa définition : rien à faire avec le mouvement social, c’est une question de vêtements et de bouffe.

Déjà à l’époque, une partie des participants habituels des mouvements sociaux, affamés de victoires et de court-termisme, dans une telle période de disette, se posèrent en soutiens inconditionnels des Bonnets rouges, y voyant là aussi un soulèvement populaire duquel jaillirai peut-être la lumière révolutionnaire. Au bout du compte, les Bonnets rouges stoppèrent leur activités une fois que les revendications patronales furent acceptées (entre autres choses, l’abandon de l’écotaxe et des règles spécifiques à contour régional d’application de la législation du droit du travail). Les procès qui eurent lieu mirent en lumière une extrême droite régénérée, capable de s’organiser sur le terrain avec les patrons et les agriculteurs pour démonter les portails, capable d’attaquer des squats3Bref, une extrême droite infiniment plus organisée et conséquente que celle qui perdure au travers de pitoyables fêtes privées moyenâgeuses d’hommage aux collabos nationalistes bretons. Les traits communs aux deux « mouvements » sont d’ailleurs si édifiants qu’en Bretagne on retrouve affichée au sein des gilets jaunes naissants la revendication de sa filiation formelle avec les Bonnets rouges. Mieux encore, on retrouve des Bonnets rouges « têtes de gondole » aux commandes des gilets jaunes.

Cet épisode aurait du servir de leçon, et ouvrir le débat sur les différentes natures des mouvements politiques, mettre par exemple en lumière les raisons qui font que lorsqu’on lutte contre le patronat, on ne se retrouve pas avec des bandes de nazis autogénérées par le mouvement en tant que tel. Ce ne fut manifestement pas le cas, et on le paye aujourd’hui en constatant l’incapacité de certains d’anticiper les effets politiques qui vont être produits par les gilets jaunes.

Les périodes d’intenses bouillonnements politiques sont les meilleurs terrains d’élaboration pour les groupes politiques actifs. Les manifs fournissent les cadres d’organisation, permettant la rencontre des individus, leurs rapprochement autour de projets concrets communs, la libération de temps et le poids numérique, toutes ces choses qui existent si peu dans les périodes hors-mouvement. On le sait bien, puisque c’est aussi à tout ça que servent les grèves par exemple. Donc, plutôt que chercher à prouver la « récupération » d’un mouvement naissant par des pontes et/ou épouvantails d’extrême droite, préparons-nous à voir se rejouer l’accomplissement logique d’un pseudo-mouvement, qui par sa nature, va être formateur pour l’extrême droite, ce qui est le pire scénario qu’on puisse envisager.

La politique de la défaite : adieu lutte des classes, bonjour « peuple en colère »

Tout de même un minimum conscients de mettre le doigt dans un engrenage douteux, des commentateurs tels que Nantes Révoltée mettent judicieusement en garde contre la tentation d’endosser un gilet jaune « sans esprit critique », quand d’autres comme Rouen dans la rue concèdent prudemment que ce « mouvement » est « confus ». Quel degré de cécité volontaire est nécessaire pour être si complaisant envers un mouvement dans lequel on identifie clairement la marque de l’extrême droite ? Il n’y a là aucune naïveté : les divers articles sur le sujet ne manquent pas de dresser la comparaison avec des mobilisations effectivement assez similaires ; les Bonnets rouges, bien sûr, mais aussi le « Jour de colère » ou encore le mouvement Poujade dans les années 50, en somme des épisodes lors desquels l’extrême droite s’est trouvée particulièrement forte et mobilisatrice. La question saute aux yeux : mais qu’irions-nous faire dans cette galère ?

À en croire les articles en question, il se passerait pourtant quelque chose d’intéressant, quelque chose qui serait plus prometteur que les grèves « inutiles » des mouvements sociaux des dernières années. Dans un retournement assez stupéfiant, on en vient même à prétendre que ces gilets jaunes ont déjà presque accompli davantage que le camp du mouvement social depuis 10 ans, alors que rappelons-le, cet événement n’a pas encore eu lieu, et ne peut assurément pas prétendre à la dénomination de « mouvement ».

On touche là le nœud du problème : un opportunisme à peine dissimulé, motivé par la défaite, qui serait prêt à se ranger derrière les mots d’ordre les plus flous et les mobilisations les plus réactionnaires, pourvu que ça bouge, qu’il se passe quelque chose. Quitte, pour cela, à mettre en concurrence les « gilets jaunes » apolitiques, interclassistes et antigrève d’un côté, et de l’autre les syndicats qui ont encore la prétention minimale de se battre face au patronat, et affirmer que les premiers sont en passe de gagner là où les seconds ont échoué. Gagner quoi, pour qui ? Comme on l’a rappelé, le mouvement Bonnets rouges, en plus de structurer l’extrême droite bretonne, a abouti sur la satisfaction des revendications patronales ; encore une grande victoire pour le prolétariat…

C’est cette focalisation sur l’échec du mouvement social qui conduit tant de monde à trouver un quelconque intérêt dans un faux blocage économique, appelé par des chefs auto-désignés, aux côtés de patrons et d’entrepreneurs. Historiquement, l’extrême droite a souvent existé sur un mode concurrentiel au camp révolutionnaire bien qu’elle se présente souvent (d’autant plus lorsque la période n’est pas à son avantage) sous le masque de l’apolitisme : il s’agit d’une option politique qui peut être prise par des prolétaires à la place de la lutte des classes, lorsqu’ils estiment que celle-ci a échoué ou ne présente plus d’intérêt.

C’est donc dans les moments de défaite de notre camp que l’extrême droite fait son beurre, agrégeant des « colères » structurées dans une lecture populiste, qui aurait la prétention de nous allier au patronat honnête contre les « élites corrompues ». Dans un tel contexte, même si l’action et le rôle des syndicats est évidemment critiquable et dépassable, s’attaquer aux modes d’action habituels des mouvements sociaux, les taxer d’inutilité et regarder avec bienveillance la naissance d’un mouvement qui a pour ambition de jeter aux oubliettes la lutte des classes, ce n’est décidément pas se placer du côté des prolétaires ni adopter une perspective révolutionnaire ou émancipatrice.

Défense Collective


3 Entre fin avril et mai 2015, une campagne anti-squat est menée conjointement par des journalistes de Ouest-France et des militants d’extrême-droite locaux et nationaux, construisant de toute pièce le scénario d’une petite vieille simple et honnête expulsée de son logement par des « gauchistes marginaux ». Cette campagne, dont des rassemblements de fascistes devant la maison occupée, et le battage médiatique qui en a résulté, est venu alimenter un projet de loi visant les squats et les occupations en général, dont une partie de l’esprit du texte se retrouve dans l’actuelle loi ELAN. Une recherche rapide sur internet autour de cette « affaire Maryvonne » permet d’en savoir plus, on pourra notamment se reporter au dossier du Collectif Antifasciste Rennais sorti à l’époque: http://www.antifabzh.lautre.net/roazhon/2015/05/dossier-laffaire-maryvonne-thamin-quand-les-fascistes-sen-prennent-aux-squatters/

Réflexion autour du « procès de l’extrême-droite »…

POURQUOI NOUS PENSONS QUE CONTRIBUER

AU « PROCÈS DE L’EXTRÊME DROITE »

POURRAIT ÊTRE UNE IMPASSE

VOIRE UN VÉRITABLE PIÈGE

Mise au point :

En premier lieu, nous tenons à rappeler que si ce texte porte une critique de cet appel à « faire le procès de l’extrême droite » porté un peu partout en France par différents groupes et organisations, il ne vise évidemment pas les proches de Clément Méric et les camarades pris dans la procédure en cours, ni les choix qui leur semblent s’imposer ici et maintenant face aux juges, en premier lieu face aux accusations potentielles qui pourraient s’abattre sur eux.

Les auteurs de ce texte ont d’ailleurs largement soutenu, financièrement et par leur présence active dans les manifs, les personnes engagées sur le procès. L’objectif est de réfléchir aux conséquences qu’un tel appel à « faire procès » pourraient avoir, par delà l’affaire du meurtre de Clément.

I) Ce qu’implique un durcissement de la justice et de l’appareil d’État vis-à-vis des fascistes

– Dans notre rapport aux institutions :

La proposition qui est faite aujourd’hui est un appel à faire le « procès » de l’extrême droite, ce qui en d’autres termes signifie produire une contribution politique et un appui idéologique à la procédure judiciaire en cours, en dénonçant « l’impunité » dont bénéficieraient les fascistes, autrement dit en appelant à un durcissement de l’appareil pénal contre ceux-ci.

D’emblée, il y a quelque chose de paradoxal et malaisant dans le fait de s’engager dans une réflexion qui nous projette du côté des juges, des procureurs, etc. La fonction de défense de l’ordre et du capitalisme par la machine judiciaire ne devrait plus faire aucun doute pour qui prend part au moindre mouvement social, et le paye parfois chèrement.

Même lorsqu’on cherche à travers cette démarche à faire la lumière sur les faits réels, ce qui semble invoqué lorsqu’on en appelle à la « vérité », on sait par expérience que le récit et les descriptions produits durant les audiences sont soumis à un formatage destinés à l’élaboration d’une grille de lecture prétendument « neutre » pour les magistrats. De « vérité », dans un tribunal, on ne trouvera qu’une vérité judiciaire.

Cette méthodologie, qui n’entrevoit le monde qu’à travers la défense mécanique de l’ordre public, vide de leur substance les actions politiques et tend à ramener ces actes à leur dimension individuelle et anecdotique, les réduisant à des faits divers.

Notre situation depuis l’accusation tend au mieux à l’impuissance, à la délégation aux pouvoirs publics d’une vengeance que nous aimerions infliger aux fascistes. Au pire, à un mimétisme des institutions du pouvoir, qui ne semble pas très crédible, et qui, si elle était crédible, n’en serait pas plus sympathique (tribunaux populaires).

Il faut être lucides : dans le cas de l’arrestation et du jugement des assassins de Clément Méric, cette mécanique impuissance/délégation trouve sa source dans la gravité de la situation, qui est telle que l’intervention de l’État via la police criminelle paraît aussi inévitable qu’intrusive.

Mais si on sort de l’enceinte du tribunal et qu’on généralise cette attitude à l’ensemble de l’extrême droite « radicale », cet appel à la fermeté entre inévitablement en résonance avec celui qui, depuis les institutions de l’État et de l’ordre public, veut lui aussi mettre fin à « l’impunité » de groupuscules qui incarnent la frange la plus milicienne du fascisme français.

Or, la structure même de ce discours sur l’impunité est sensiblement la même que celle employée par le pouvoir pour qualifier les pratiques et les groupes les plus combatifs des mouvements et conflits sociaux auxquels nous participons.

Un rapide coup d’œil sur l’histoire des dispositifs répressifs majeurs développés par l’État français depuis un siècle ne manque d’ailleurs pas de nous renseigner sur le piège évident que comporte un appel au renforcement de la répression contre l’extrême droite.

On pourrait citer la Cour de Sûreté de l’État, mise en place dans le but de démanteler et liquider l’OAS, ou encore en 1936 la « loi sur les groupes de combat et milices privées » qui rend possible la dissolution de groupes politiques tout en pénalisant leur recomposition1. Ce dispositif est au centre de la protection de l’État vis à vis des groupes politiques les plus virulents. La dangerosité de cette mesure, qui empêche concrètement de s’organiser politiquement, a été éprouvée plus tard par beaucoup de groupes révolutionnaires français dans l’après-68 (Gauche Prolétarienne, Jeunesse Communiste Révolutionnaire, Mouvement du 22 mars…).

Au cœur de la répression de l’extrême droite suite à la mort de Clément Méric, on trouve encore l’utilisation de cette loi, qui a servi à dissoudre les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires, Troisième Voie, l’Oeuvre Française et les Jeunesses Nationalistes. L’application des décrets de dissolution entraîne des mesures extrêmement lourdes allant d’interdictions d’entrer en contact pour des cercles très larges d’individus à celles frappant des pratiques à la fois banales et essentielles, comme les diffusions de tracts, les réunions, rassemblements… Certains de leurs dirigeants ont été poursuivis très récemment pour « reconstitution de ligue dissoute ». La question n’est pas de plaindre des ennemis politiques, mais de comprendre comment des dispositifs juridiques qui touchent ces mêmes ennemis menacent des pratiques et des formes d’organisation, existantes ou potentielles, portées par les luttes et les mouvements sociaux, et dont l’existence et l’extension sont des conditions pour peser dans le rapport de force contre l’État et le capital.

Compte tenu de l’extension de l’aspect judiciaire de la répression actuelle des mouvements sociaux, on peut très sérieusement s’interroger sur le danger que comporte un renforcement de l’arsenal d’État, contre des groupes jugés subversifs par le pouvoir, qu’ils soient formels ou non (la loi s’appliquant notamment sur les associations de fait).

Si de tels dispositifs devaient tomber dans les mains de gouvernements d’extrême droite, il est évident qu’ils serviraient en premier lieu a réprimer les groupes révolutionnaires.

À généraliser le fait de s’en remettre à la justice et à l’intransigeance de l’État face aux actions de l’extrême droite, le risque est évidemment de valider la position actuelle du gouvernement libéral et de l’ordre républicain qu’il incarne, comme seul rempart crédible à l’extension du nationalisme le plus réactionnaire.

La récente mise en lumière de réseaux d’extrême droite se préparant à mener des attaques armées conforte par ailleurs l’appareil répressif anti-terroriste comme étant le seul à même de s’y opposer2.

– Vis-à-vis des fascistes eux-mêmes :

Plus problématique encore, le discours sur la « fin de l’impunité » concurrence celui de l’extrême droite sur le « laxisme de la justice » principalement dans des affaires criminelles.

On a vu comment celui-ci s’illustre ignoblement en Allemagne où toute la gangrène néo-nazie du pays s’est mobilisée le 27 août 2018 à Chemnitz au cri de « nous sommes le peuple » pour exiger une sanction exemplaire suite à un meurtre qui aurait été commis par deux immigrés, en saisissant l’occasion pour mener des ratonnades contre tout ce qui ressemblerait à un migrant.

Peu de temps avant, le 11 août, le groupe Génération Identitaire avait lui aussi tenté de créer une mobilisation suite à la mort d’un jeune à la sortie d’une boîte de nuit à Grenoble. L’opération avait lamentablement échoué, la famille s’étant dit extrêmement choqué par cette récupération politique. La proximité dans le temps de ces deux événements situés à plusieurs milliers de kilomètres, et pouvant regrouper aussi bien des citoyennistes réactionnaires que des nazis en uniforme, prouve que la tactique d’appel à une justice intransigeante est intégrée et systématisée par une aire très large de l’extrême droite, qu’elle soit française ou allemande.

Or, si nous partageons tous l’objectif de démolir le discours qui renvoie les fascistes et les révolutionnaires dos-à-dos, alors nous devons réaffirmer qu’à ce sujet nous entretenons un rapport fondamentalement différent aux autorités policières, judiciaires et aux pouvoirs publics.

Car contrairement aux actions des groupes révolutionnaires, toutes les attaques de l’extrême droite (y compris de la bande nazie la plus versée dans l’action de rue) appellent systématiquement à un renforcement et une intervention de l’État via ses flics, ses procureurs ou son armée… avec le fantasme caractéristique des nazillons de former leurs milices intégrées au bon fonctionnement des institutions.

On a pu le voir à de multiples reprises, à Rennes comme ailleurs : dans l’évacuation du plus grand squat de migrants de France, à Pacé en 2012, dans la défense d’une propriétaire dont une des maisons vide était occupée en 20151, ou encore à travers la tentative de déblocage de l’université Rennes 2 lors du mouvement du printemps 2018… De manière constante, l’extrême droite de rue comme celle de parti cherche toujours à incarner l’avant-garde (et y parvient malheureusement parfois) d’une intervention des pouvoirs publics jugés endormis ou paralysés par la bureaucratie et la « bien-pensance ».

De ce point de vue, notre position se doit d’être radicalement opposée en terme pratique et politique : demander (comme cela a été fait par des « camarades » à Rennes) un renforcement de l’intervention de la préfecture et de la mairie (qui a conduit à la mise en place d’un nouvel équipage BAC de nuit) après une descente brutale de 40 pseudos gudards un soir en centre-ville n’est pas simplement stupide et contre-productif.

C’est une véritable victoire politique pour des fascistes à peine capables de s’organiser en dehors de bastons rituelles, et qui voient chez les bacqueux des modèles virils, racistes, en plus d’alliés objectifs contre nous.

II) Retrouver des perspectives et construire une autonomie politique dans le combat contre l’extrême droite

 

Pour nous, l’explication d’un tel paradoxe, d’une telle contradiction dans nos positions tient essentiellement à la question de l’urgence et de la réaction : le rapport que la mouvance révolutionnaire entretient à l’extrême droite se pense presque toujours dans des temps où cette dernière est assez puissante pour passer à l’acte, ou pire, lorsqu’elle est aux portes du pouvoir (local ou national).

L’urgence d’agir et l’horreur du moment motive alors assez aisément des discours d’appel à la justice, à l’appareil d’État et par effet de prolongement à l’ordre public… Avec des épisodes massifs comme en 2002 où toute critique pertinente de l’extrême droite était engloutie dans un tsunami républicain que certains rêvent toujours de reconstituer.

Pourtant, nous aurions tort d’oublier nos quelques victoires : si le Front National ne peut plus organiser de meeting à Rennes depuis bientôt quatre ans, c’est bien parce qu’une violente émeute a retourné le centre-ville (8 fevrier 2014) et remis au cœur des enjeux politiques l’usage de l’ancienne bourse du Travail (où les fascistes avaient été autorisés à tenir leur tribune), réinvestie comme « Maison du Peuple » et épicentre de la lutte pendant le mouvement de 2016.

Si les conférences d’un réactionnaire se revendiquant de la « race celte » ont été annulées sur la fac peu de temps avant, c’est bien qu’une réaction collective et déterminée a pu avoir lieu à Rennes 2 pendant une période où il ne s’y passait quasiment rien.

On pourrait également citer la manifestation nantaise de février 2017, ainsi que l’action menée par des camarades de la ZAD contre les bus chargés de fachos, qui ont montrés un niveau d’organisation collective rarement atteints depuis des années.

Encore plus récemment, il faut saluer l’initiative des camarades qui, sur la brèche, ont bloqué un bus entier en partance pour la dernière Manif pour Tous.

Nous pensons qu’il est vital d’attaquer et ruiner l’extrême droite avant même qu’elle ne mène l’attaque : lorsqu’elle est faible, divisée, y compris lorsqu’elle se cache derrière les apparats victimaires du citoyennisme et de la liberté d’expression.

Qu’en ville, dans les bars, les salles de concert, les stades, les lycées, au boulot ou à la fac, etc., il faut se donner les moyens de tricardiser et tuer dans l’œuf le moindre projet de petit groupe, la moindre velléité d’organisation, qui peut par ailleurs très vite devenir dangereuse et polluer toutes nos activités politiques. Sapons l’action de l’extrême droite avant d’en arriver au point où nous devront solliciter ceux qui nous matraquent, nous jugent et nous condamnent dans nos luttes.

Que ce soit le Front National, le GUD, l’UNI, les hooligans, les soraliens, identitaires, nationalistes bretons d’Adsav ou du Parti Breton, nazillons métalleux et royalistes, aucun ne doit être pris à la légère, dans la mesure où ces groupes sont notoirement poreux et sont capables de s’agglomérer en l’espace d’une mobilisation éclair sur internet (comme au squat de Pacé, lors de « l’affaire Maryvonne », ou encore à Trebeurden), pour faire des coups pensés comme des appels aux pouvoirs publics.

À ce titre, nous devons être absolument déterminés à nous coordonner formellement et à nous tenir prêts à faire face à ces raouts-éclairs, et à ne jamais sous-estimer la vitesse à laquelle le fascisme peut devenir grégaire et engendrer des mobilisations de l’ampleur de Chemnitz et Kothen en Allemagne.

L’extrême droite fait également son beurre sur des mouvements réactionnaires et anti-fiscaux (les Bonnets Rouges, la Manif pour tous…). Elle tente aussi de s’immiscer dans des conflits sociaux et entretien une confusion qui a pour but de faire émerger ses propres mots d’ordre.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, les camarades angevins appellent à une grande manifestation le 22 septembre contre l’implantation du Bastion Social dans leur ville.

Plutôt que de se lancer dans de tristes procès, il nous semble plus constructif de répondre le plus nombreux possible à l’appel, et d’établir un lien durable avec les groupes mobilisés afin d’être capable de bouger sur le grand ouest rapidement et efficacement lors d’initiatives contre l’extrême droite.

Par ailleurs, nous savons tous par expérience que le meilleur antidote contre l’extrême droite est une conflictualité sociale vivante, combative et révolutionnaire, que son absence dans les zones et les pays qui connaissent une forte poussée réactionnaire en Europe de l’Ouest en est une des causes principales.

À bas la justice et l’extrême droite !

Vive le mouvement social !

1Loi mise en place sous le front populaire après les événement du 6 février 1934 où les croix de feu, un rassemblement d’anciens combattants proche de l’extrême droite, avaient marché sur l’assemblée nationale.

2Deux groupes d’extrême droite ont été démantelés par la police le premier en octobre 2017 et le second en juin 2018. Le premier s’était constitué autour de Logan Alexandre Nisin et avait des projets d’attentats et d’assassinats politiques. Le second, « Action des Forces Opérationnelles », était un réseau d’ancien militaires et d’ancien policiers qui aurait projeté des actions contre ce qu’ils considéraient être des islamistes.

3Voir sur le site www.antifabzh.lautre.net « Dossier – l’affaire Maryvonne Thamin : quand les fascistes s’en prennent aux squatteurs »

LA DERNIÈRE LOI SÉCURITAIRE DE HOLLANDE

C’est dans un hémicycle quasi-vide que la nouvelle loi sécuritaire de Hollande a été voté à la mi-février.

Après les manifs de flics en novembre dernier, un peu partout en France, Hollande fait un pas supplémentaire pour satisfaire les forces de l’ordre. Ces dernières avaient déjà obtenues une enveloppe de 250 millions d’euros pour s’armer et s’acheter de nouvelles cagoules…

 

A présent, avec cette nouvelle loi, l’usage de la LÉGITIME DÉFENSE pour la police se calque sur celui de la gendarmerie : « après des sommations » ils pourront faire usage de leurs armes si ils sont menacés ou agressés, pour défendre une zone ou pour immobiliser des véhicules.

Les syndicats de magistrats craignent déjà que cette nouvelle mesure ne donne l’illusion aux policiers d’utiliser plus facilement leur arme, une évolution « dangereuse parce que cela enverrait un message de revendication d’impunité lié à une catégorie de personne et non à des circonstances particulières« .

 

En outre, cette loi durcit les SANCTIONS POUR OUTRAGE À AGENT : maintenant insulter un keuf est passible des mêmes sanctions qu’un outrage à magistrat, soit un an de prison et 15 000 euros d’amende !

 

Toujours dans ce texte, l’ANONYMAT DES FLICS DANS LES PROCÉDURES JUDICIARES, qui n’était alors réservé qu’aux seuls enquêteurs de l’antiterrorisme. Un matricule viendra remplacé l’identité des policiers. Les avocats du barreau de Paris y voient une « remise en question du respect du contradictoire« .

 

Comme quoi, manifester dans les rues de Paris cagoulés et armés ça paye !

 

 

Interdictions de manifs : le TA s’oppose à 4 interdictions de séjour

Interdictions de manifs : quatre arrêtés préfectoraux sur six cassés par le Tribunal Administratifs

Le décor (en carton-pâte) :

Ce lundi 17 octobre, six camarades étaient représentés au TA de Rennes pour contester leur interdiction de séjour dans le centre ville de Rennes les jours de manifestation contre la loi Travail/les violences policières/pour la ZAD, interdiction étendue au départ de l’université Rennes 2 et aux abords des cortèges, qu’ils soient déclarés ou non.

Ces interdictions de séjour, qui commencent une heure avant le départ des rassemblements (qui sont également concernés d’après un arrêté de la Cour de Cassation), durent jusqu’à minuit, et couvrent une très large portion du centre ville (des abords des prairies au sud de la Gare, du Tabor jusqu’au commissariat central). Elles ont quasiment toutes été produites le 13 septembre dernier, et courent jusqu’au 21 janvier 2017, date de la fin de l’état d’urgence (qui risque d’être très probablement renouvelé).

Il faut comprendre qu’à Rennes, la fonction préventive des interdictions administratives n’a pas pour but de donner la possibilité à la préfecture d’agir hors des sentiers légaux, mais de compléter et de renforcer des décisions judiciaires « classiques », notamment pour les personnes qui seraient en attente de procès, en appel ou dont le contrôle judiciaire serait trop faible au regard du danger que les interdits représenteraient.

Si c’est une spécialité locale que de délivrer des interdictions aussi étendues spatialement que temporellement, il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’ici, l’écrasante majorité des interdictions de manifester l’ont été par le biais des contrôles judiciaires : un peu plus de cinquante contre une quinzaine d’interdictions administratives effectives (avec une marge liée aux interdictions non délivrées et celles qui ont concernées les mêmes personnes pour des périodes différentes).

Et contrairement à ce qu’on aurait pu croire, ces interdictions n’étaient pas justifiées par des notes blanches du renseignement, mais par le simple fait que les six personnes impliquées auraient une « situation judiciaire » en cours :

  1. l’un avait déjà été condamné, incarcéré et a fait appel de la décision du premier juge pour des faits survenus après une manif, ce qui signifie que sa culpabilité devait être examinée par la cour d’appel de Rennes.
    Livreur sur la zone concerné par les interdictions, il pouvait se retrouver à croiser une manif pendant ses heures de boulot, et de fait être arrêté et condamné.

  2. un autre était mis en examen dans le cadre d’une instruction pour une action hors manif, ce qui n’indique en rien qu’il soit coupable des faits reprochés puisque son procès n’aura lieu qu’à la fin de la longue enquête.
    Par ailleurs, un juge des libertés avait rejeté la demande (très insistante) du procureur et de la juge d’instruction de l’interdir de manifester jusqu’à son procès, une décision qui avait été confirmée plus tard par la cour d’appel de la chambre de l’instruction de Rennes contre le recours du Parquet.

  3. trois autres ont été interpellés au mois de septembre pour des faits de dégradations (tags) sur différentes manifs qui remontaient jusqu’au mois de février dernier. Leurs procès n’ayant lieu qu’au mois de novembre et de décembre, ils n’étaient donc pas reconnus coupables des faits reprochés.
    Vivant dans la zone concernée par le périmètre, ils devaient donc techniquement quitter leur logement les jours de rassemblement/manifestation pour ne pas être arrêtés et déférés

  4. un autre était interdit sur la base d’une interpellation qui n’a jamais eu lieu (il a en fait été arrêté quelques jours après cette interpellation imaginaire), pour des motifs liés à une action de blocage ayant eu lieu hors du cadre des manifs.

Il faut préciser qu’hormis l’évocation sans preuve (ni PV, ni éléments matériels) de ces mises en cause dans des affaires judiciaires en cours, la préfécture n’a strictement rien avancé d’autre en terme d’arguments, et qu’elle n’a joint aucune pièce justificative au dossier pour étayer sa défense face au recours.
Bref, c’était le dossier le plus vide qu’on ait vu depuis très longtemps dans des tribunaux rennais (où on condamne pourtant souvent sur des bases inexistantes), qui plus est truffé d’erreurs grossières et de confusions en tous genre.
Pour preuve qu’on peut être totalement à la masse et représenter devant un juge la préfecture de Rennes, la juriste n’avait pas compris qu’une manifestation avait lieu ce mardi en arrivant au tribunal.

Faute du moindre élément solide à fournir, elle s’est livré à plusieurs reprises à des hors-pistes juridiques complètement foireux destinés manifestement à mystifier les juges :

  1. que camarade livreur de pizza était employé comme « employé polyvalent », et que par conséquent il était de son devoir se consacrer à la plonge et au récurage des fours les jours de manif

  2. que le secret de l’instruction empêchait la préfecture l’empêchait de fournir des preuves matérielles concernant la menace que réprésentait les interdits, alors qu’un seul des camarades était concerné par cette situation, et sachant que la préfecture n’avait même fourni pas la preuve que celui-ci était mis en examen.

  3. que la justice administrative avait une fonction préventive, et que par conséquent elle pouvait légitimement se baser sur des suspicions qui seraient remises en cause par le résultat des procès à venir, et donc se torcher le cul avec la présomption d’innocence.

Les outils de démolition :

En recoupant les textes et les recours effectués sur Paris, les principaux arguments avancés pour casser les interdictions étaient les suivants :

  1. que l’interdiction de manifester est contraire aux droits fondamentaux prétenduement garantis par une Constitution dont le poids est techniquement supérieur aux arrêtés préfectoraux dans la hiérarchie du droit.

  2. qu’il n’existe pas en droit français d’interdiction de manifester (surtout pas dans le droit administratif), hormis pour un cas : lorsqu’on est condamné en correctionnelle pour des faits commis en manif, une peine complémentaire d’interdiction de manifester peut être prononcée par un juge du pénal.
    C’est donc par une transformation et un détournement de l’interdiction de séjour que le préfet bricole une décision administrative irrégulière de manifester.

  3. que ces arrêtés, qui concernent également toutes les manifestations non déclarées et sur une période très large, peuvent mettre en danger les interdits dès lors qu’un cortège spontané croise leur route sans qu’ils puissent l’anticiper.

  4. que le motif invoqué pour caractériser le danger des personnes interdites est complètement flou : l’entrave à l’action des pouvoirs publics, qui de fait peut concerner n’importe quelle personne qui souhaiterait s’opposer à l’application d’une loi votée par le Parlement.

Le constat de sortie :

C’était la deuxième tentative de recours sur ces interdictions, la première ayant été jugée irrecevable par le juge administratif au motif qu’il n’y avait pas d’urgence à statuer puisqu’aucune manifestation concernée par l’arrêté n’était annoncée…

Déjà à ce moment là, le tribunal administratif avait cherché à tout prix à éviter de prendre une décision qui aurait pu avoir des conséquences importantes pour l’ensemble des autres interdictions passées et à venir.

Fait notable, il n’y avait pas un mais trois juges pour statuer sur la décision, ce qui est extrêmement rare au tribunal administratif, preuve que l’affaire était préoccupante pour ces adeptes du confort bureaucratique liée à leur juridiction.
Et c’est un des problèmes propres à ces arrêtés préfectoraux : alors qu’elle s’appuie sur des éléments de justice pénale, l’interdiction administrative est censée être évaluée par des gens qui n’ont absolument pas les compétences et la connaissances des règles du tribunal correctionnel.
C’est grâce à cela que la représentante de la préfecture a pu raconter absolulement n’importe quoi (notamment sur le secret de l’instruction), et c’est surtout pour cette raison que les juges n’ont jugé que sur des critères complètement secondaires (le fait que des interdits habitent dans la zone et voient leur « intimité » menacée) au regard de la privation de liberté très grave que l’interdiction constitue.

Au final, sur 5 interdits de manif, 3 qui habitent le centre-ville se voit à nouveau autoriser le retour dans les cortèges. Pour les 2 autres, il faudra attendre qu’ils puissent justifier d’une activité dans le centre, au-delà même de celle d’avoir un travail. En effet, c’est bien la domesticité qui prévaut dans cette réponse de la juridiction, car à part pour un des interditds de manif qui peut y retourner car les motifs étaient bien trop vagues et basés sur une interpellation qui n’existe pas, pour les deux autres personnes il s’agit bien de la localisation de leur lieu de vie, qui leur permet cette liberté.

Météorologie de la Défense Collective

METEOROLOGIE DE LA DEFENSE COLLECTIVE :
QUELQUES ECLAIRCIES POUR DISSIPER LE BROUILLARD

« DEFENSE COLLECTIVE », C’EST QUOI : UN PRINCIPE DE DEFENSE OU UN GROUPE POLITIQUE ? Des principes politiques sur des sphères ciblées, partagés par un groupe de gens actifs et autoconstitués, indépendants de toute assemblée générale, de tout groupe politique avec une théorie globale, ou autre comité.

Partant du constat que notre exploitation se resserre sous l’action commune de différents étaux (économie globale, mesures gouvernementales, politiques d’entreprises, administration, maintien de l’ordre et machinerie juridique,etc ), nous sommes tous des manifestants actifs dans le mouvement contre la Loi Travail, énième attaque d’un même système capitaliste à combattre. A partir de ce dénominateur commun minimal, manifestants et révolutionnaires nous cherchons à contrer les effets oppressants de ces étaux en construisant des rapports de force solidaires dans ces différents espaces sociaux. Au sein de la Défense Collective, nous ne partageons pas d’affiliation théorique commune plus large sur la société et les projets révolutionnaires que ce minima.

En revanche, par parti-pris idéologique et souci d’efficience dans la construction d’un rapport de force cohésif et solidaire, nous partageons des principes politiques communs sur des aspects mis en pratiques dans des espaces sociaux tels que les manifestations, les commissariats, les tribunaux, et les prisons (les espaces de travail ou d’administration pourraient en faire partie mais ne composent pas la majeure partie de nos activités actuelles) : « la solidarité de la rue au tribunaux ». A partir de ses principes de bases auquel il convient d’adhérer pour participer à la Défense Collective de Rennes, nous réfléchissons collectivement à diverses préconisations. Ces principes de bases sont :

1- Agir et se défendre selon des logiques COLLECTIVES → d’où le rejet intransigeant de toute dissociation bon/mauvais manifestant, en manif comme au tribunal. L’intérêt individuel de se dissocier pour écoper moins n’est selon nous pas valable, et affaiblit l’ensemble des gens qui résistent à ce système car ça généralise une attitude de soumission et de connivence avec l’ordre établi. Nous ne soutiendrons aucune défense qui joue ce jeu aux dépens des autres camarades. Avec ce souci d’intérêt collectif nous nourrissons des réflexions pour s’adapter au mieux aux situations de chaque inculpé-e, sans envoyer des gens au casse-pipe par des défenses mal habiles de revendication telles qu’une caricature de posture collective pourrait laisser à penser. Pour ce faire, nous pensons préalablement et collectivement tout discours porté publiquement sur une affaire, collectons le maximum d’informations, développons des partenariats avec différents avocats et incluons évidemment les inculpé-es concerné-es dans les choix et l’élaboration de leur défense (et plus si désir plus large d’investissement).

1bis … selon des logiques COLLECTIVES et NON AFFINITAIRES →Collectif ça veut dire qui ? Pour le moment, en temps de mouvement, nous limitons notre champ de défense à tou-tes les personnes actives du mouvement, qu’elles soient organisées au sein du milieu militant ou pas. Par ailleurs, ces personnes non organisées sont plus vulnérables, car sans réseau de soutien derrière elles. Concernant les inculpé-es, nous offrons notre aide s’ils acceptent nos principes de base et s’investissent a minima dans leur affaire (nous prônons la défense collective, pas la « défense par les autres pour moi »), et au mieux dans le processus collectif que nous développons. Afin de dépasser des logiques affinitaires qui peuvent creuser un fossé entre militant spécialiste aguerri et profane démuni nous prônons aussi la diffusion des savoirs/pratiques/matériels au sein des personnes mobilisées. Créer une cohésion rassurante dans un cortège est un objectif afin d’atteindre les objectifs des manifestants avec le moins de blessé-es, inculpé-es, et traumatisé-es possible, et ça se prépare en amont. Afin d’aider les personnes non organisées politiquement mais saisies par la justice, la Défense Collective rennaise se rend fréquemment en comparution immédiate et cherche à regrouper les informations grâce au téléphone de la legal team, ou par emails.

2- Ne pas faciliter le travail des diverses instances répressives (police, justice, administration…) → La police comme la justice, en tant qu’ étaux de notre exploitation et de notre soumission à celle-ci sont des espaces de conflit politique à affronter en tant que tels. Nous ne recherchons pas la grâce de notre profil auprès de ces instances, nous ne cherchons pas notre légitimité dans les règles de son jeu. En cela, nous préconisons des pratiques de protection contre l’identification dans la rue comme dans les comicos, des pratiques permettant de restreindre le champ déjà immense de ses investigations telles que le refus du fichage, le « rien à déclarer » en GAV, ne pas se rendre au convocations, refuser les comparutions immédiates, etc. Se protéger d’une part, et se défendre politiquement de l’autre.

UNE LEGERE BRUME QUI SE LEVE FACILEMENT POUR QUI S’Y INTERESSE

Suite à des retours sur une opacité de notre part, nous exposons ici quelques éclaircissements. Certains ont déjà été abordés dans les principes, tels que les espaces de nos interventions et de nos réflexions, et les personnes à qui cette démarche s’adresse.

Concernant nos multiples activités,
Côté diffusion pratique et matérielle nous pensons être assez visibles ; notamment grâce à des ateliers de formation juridique et d’échanges sur les pratiques de manifs, régulièrement annoncés publiquement en Assemblée Générale (surtout à la fac il est vrai), ouverts à tous, et qui sont un préalable à tout investissement actif au sein de la Défense Collective.

Côté réflexions, préconisations, et réactivité à l’actualité répressive rennaise, il est possible pour tout un chacun d’aller sur notre FB defense.collective, ou sur notre site defensecollective.noblogs.org . Vous pourrez y lire les diverses préconisations portées après réflexion collective, préconisations dont il est évidemment possible de discuter ensemble, en AG, ou dans les temps des ateliers formations et échange de pratiques, ou encore lors de réunions publiques.

Côté transparence sur nos réflexions, nos activités, mais attention, le côté obscur de la force, quelle gestion de nos sous !? Tout d’abord, pour des soucis évidents de sécurité, d’établissement de liens de confiance avec les avocats partenaires, et suivant ce principe de ne pas donner plus aux machines d’instruction et répression, nous ne pouvons pas publier la tenue de nos comptes, les tarifs négociés, les tickets de caisse, etc. Cependant, nous tenons nos comptes pour nous-mêmes, sommes transparents avec les inculpés, mais pouvons redire encore à quoi servent les sous récoltés : une partie (environ un tiers) va à des achats matériels (visant la diffusion de pratiques ou l’organisation d’événements de récolte de fonds), tandis que le reste part dans des frais juridiques.
Nous ne publions pas la liste des affaires que nous suivons (encore pour les mêmes raisons) mais nous pouvons au jour d’aujourd’hui dire qu’on a suivi une soixantaine de dossiers.

DES CRUES ABONDANTES MAIS PAS DEBORDANTES

En effet, en ces temps de fortes répressions, la Défense Collective rennaise s’active vivement, en fonction des contraintes inhérentes à l’actualité. Malgré la suspension du mouvement durant l’été, la répression ne s’est pas suspendue, et plusieurs affaires sur des contrôles judiciaires, du soutien en situation carcérale, des réflexions, préconisations, et collectes d’informations sur diverses convocations, etc, ont bien rempli l’été. La Défense Collective continue activement sa route à travers les différentes zones de turbulence, et reste un outil ouvert à l’investissement de qui partage ses principes de base. Nous aspirons dans l’idéal à dépasser la sphère militante pour développer une culture de la défense collective dans différents espaces hors mouvements (travail, administrations, vie quotidienne, tels que cela a été initié à la Maison du Peuple), mais agissons avec les moyens du bord selon la saison actuelle de mouvement social.

Solidarité de la rue aux tribunaux
Soirée Défense Collective Mardi 19 Septembre à Rennes 2 à 18H
defense.collective@riseup.net
defensecollective.noblogs.org
www.facebook.com/Défense-Collective

L’Etat d’urgence fait sa grande braderie !

L’ETAT D’URGENCE FAIT SA GRANDE BRADERIE !

La semaine dernière des interdictions de manifs distribuées comme des petits pains, des procès pour des faits remontant à la période pré-vacancière, des gardes-à-vue, il est plus que temps de se préparer pour être au taquet en cette rentrée de lutte!

3 personnes ont été arrêtées à leur domicile de manière musclée et placées en GAV, il leur est reproché des faits de dégradation remontant à différentes manifestations : celle du 6 février (carnaval pour la ZAD) et manifs du 31 mai et 23 juin contre la loi travail.
Bonus pack répression : ils ont été placés sous contrôle judiciaire (pointage au commico), passent en procès en fin d’année et il leur a été notifié une interdiction de manif en france durant l’état d’urgence !
Plusieurs autres personne se sont vues remettre cette semaine par un Officier de Police Judiciaire une « interdiction de paraître sur la commune de rennes les jours de manifestation contre la loi dite Khomri, contre les violences policières, contre l’aéroport de NDDL » dans un périmètre large du centre-ville, 1h avant l ‘heure du rassemblement déclaré ou non, jusqu’à minuit.

1 personne est passé en procès lundi 12/09 pour « non dispersion après sommation et dissimulation du visage », elle s’était fait interpeller sur la rocade durant la manifestation du 19 mai qui voulait rejoindre le blocage des routiers. Elle écope de 500e d’amende et la juge lui a dit lui faire « une faveur qui n’arrivera pas 2 fois » en lui évitant l’inscription au casier B2 car elle travaille dans la fonction publique (le procureur s’y opposait car « on ne peut pas dispenser des cours d’éducation civique aux marmots et ne pas obéir aux ordres de la police »).

Les 2 personnes arrêtées à la sortie d’un procès au tribunal de Rennes en août sont passées en procès vendredi 16/09 pour « menaces de mort envers un magistrat, dégradations en réunion avec visage dissimulé (tags) et refus de signalétique » durant la manif du 23 juin.
Le procès se tenait à St Malo car la victime qui ne s’est pas portée partie civile n’était autre que le désormais célèbre juge Léger, qui se vantait récemment d’avoir jugé une cinquantaine de manifestants en quelques mois, et affirmait avoir « une entière confiance dans la fonction répressive des instances collégiales de la justice ».
Les prévenues ont été reconnues coupables pour les 3 chefs d’inculpation, même si les dommages et intérêts sont passés de 40 000e réclamés par tout le gratin des commerçants de vitrines à 900e car ces derniers s’étaient mis en tête de faire passer le maximum de factures liées au passage énergique et récurent de toutes les manifs…
Fait notable, deux flics attendaient les inculpées pour leur remettre des interdictions de manifs ; partis avant le délibéré, ils ont confié l’arrêté préfectoral à leurs grouillots chargés de la sécurité du tribunal. Manque de pot, ces derniers n’ayant pas la qualification d’officier de police judiciaire, ils n’avaient pas la qualification nécessaire pour rédiger un PV de notification aux camarades, et ces dernières se sont bien gardées de signer leur bafouille. Continuons de les esquiver !

La foire répressive n’est certainement pas finie, son champs d’intervention s’est diversifié : gens arrêtés chez eux, coups de téléphone de flics plus ou moins avérés, contrôle routier qui se termine en GAV, notification d’interdiction de manif après rétention au commico durant un pointage sous contrôle judiciaire/ en allant à la boulange/ en sortant du taf/ tentative à la sortie d’un procès…

Si vous ou vos proches êtes confrontés à ces situations, contactez defense.collective@riseup.net !