Contre la dissociation

Nous sommes tous des manifestants-tes actifs dans les luttes sociales, cherchant à construire des rapports de force solidaires au sein de différents espaces sociaux. Dans ce soucis constant de défendre des logiques collectives nous rejetons toute forme de dissociation entre bon et mauvais manifestant-e.

Mais qu’est-ce que la DISSOCIATION ?

La dissociation c’est une stratégie de défense, qui peut être de connivence, c’est à dire qui vise à collaborer avec les institutions de contrôle (Police, Justice, Médias…) dans la recherche d’une possible négociation de son sort avec celles-ci («je ne m’associe pas à telles pratiques et vous condamnez plutôt ceux qui le font» ; «je vous dis ceci et cela et je sors plus tôt de GAV»…).

Dans le cadre de la dissociation, il s’agit particulièrement d’une reconnaissance des catégories créées par ces institutions (casseur, syndicaliste, citoyen-ne indigné-e), et d’un mimétisme de certains comportements -notamment de dénonciation- visant à se faire assimiler à l’une de ces catégories plutôt qu’à une autre lorsque l’on se retrouve confrontés à elles.

Pourquoi ne pas se dissocier ?

Pour s’offrir les conditions nécessaires d’organisation

DANS LA RUE :

C’est refuser la constitution d’un Service d’Ordre au sein des cortèges, se comportant en véritable auxiliaire de police -faisant le tri entre les manifestants- voir en s’y substituant en attaquant les personnes qui déborderait des modalités acceptées.

Ça peut amener également à affirmer la solidarité avec les interdits de manifs, les inculpés, ou autres personnes en situation de difficulté (sans-papiers, personnes recherchées…), par exemple en empêchant lorsque cela est possible les intrusions de policiers à l’intérieur de cortège ou encore lors des nasses en refusant de sortir individuellement, en donnant son nom et ses papiers, et de laisser ces personnes à la merci des instances répressives. Ne pas se dissocier dans la rue c’est refuser la marginalisation et l’exclusion des gens dans les cortèges.

DANS LES TRIBUNAUX :

Il ne s’agit pas d’une défense de posture à laquelle on sacrifie l’efficacité de celle-ci, mais ne pas tomber dans la dissociation c’est se défendre politiquement en refusant d’être jugé sur des questions morales. La dissociation peut ainsi être mise en pratique au tribunal, par des postures « innocentistes » ou en approuvant l’action de la Justice contre « les vrais coupables ».

Cela doit ainsi également permettre aux camarades pris sur le fait de se défendre sans avoir à assumer seuls les actions menées dans le cadre du mouvement.

Ne pas se dissocier pour ne pas avoir à discuter des modalités de la lutte et de la pertinence des actions auprès de nos ennemis …

Il ne s’agit pas d’être solidaire forcément de toutes les actions en s’y associant automatiquement. Ni de refuser que des critiques aient lieu envers telles actions ou modes d’intervention.

Mais au contraire refuser de s’y dissocier afin de permettre que ces discussions aient lieu dans les espaces collectifs tels que les assemblées (comme cela a pu l’être au printemps dernier après l’action des « chaises sur le métro ») plutôt qu’ils ne soient captés dans les commissariats, les tribunaux ou les médias. Refuser la dissociation nous apparaît alors comme un moyen de préserver ces espaces utiles à la structuration de mouvements sociaux forts, et d’y permettre le développement de discours politiques re-négociables par l’assemblée elle-même.

DE LA RUE AUX TRIBUNAUX :

REFUSONS LA DISSOCIATION ! 

Nous pensons alors que le refus de la dissociation est l’un des préalables nécessaire au développement d’une réelle camaraderie caractérisée par une confiance mutuelle entre acteurs-trices du mouvement et par des garanties de pouvoir tous se défendre efficacement sans avoir à renoncer à la construction d’un discours politique commun. C’est aussi pourquoi nous pensons qu’il faut défendre toute personne ou groupe de personnes agissant dans le cadre du mouvement lorsqu’elle se trouve face à ses ennemis, nos ennemis.

La Défense Collective Rennes


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LE « CROCO », SYMBOLE DE LA LUTTE À RENNES, POURQUOI ?

Retour sur un épisode marquant du mouvement contre la loi travail 2016 : l’auto-réduction au magasin Lacoste et le débat sur la non-dissociation.

24 mars 2016, nouvelle manifestation contre la loi Travail. Des miliers de manifestants-es défilent dans l’hyper-centre de Rennes (toujours accessible à cette époque). Le cortège étudiant/lycéen se dirige vers la place du Parlement pour rejoindre le rassemblement quand « une trentaine de jeunes portant foulards et capuches » font irruption dans le magasin de vêtements, qui a pour effigie un crocodile vert, et dérobent une centaine de produits.

Rappelons que Lacoste est une marque de luxe, installé dans un quartier de la bourgeoisie rennaise, connu pour ses fameux polos frappés du croco et réservés aux bourses bien remplies.

L’évènement passe quasiment inaperçu dans le cortège, mais la presse, les commerçants du centre et les autorités réagissent et activent aussitôt la machine à propagande.

Article Ouest-France « pillage à Rennes »

La presse racoleuse laisse penser à ces lecteurs-rices que les vendeuses sont hospitalisées, le responsable du magasin quant à lui déclare que c’était « très violent« … Les commerçants du Carré Rennais s’indignent et demandent aux autorités de prendre des mesures pour protéger leurs commerces. Les manifestations ne sont pas bonnes pour faire des affaires, les commerçants du centre-ville ont pris l’habitude de fermer leurs magasins à l’approche des cortèges… Confronté à une baisse du chiffre d’affaire des commerçants, la mairie en concertation avec la préfecture décident d’interdire l’accès de l’hyper-centre à la veille du 31 mars, se justifiant par le risque de détérioration du « patrimoine » du centre historique…

La propagande contre les « pilleurs et les casseurs » prend dans l’opinion publique mais peu de voix s’élèvent pourtant au sein du mouvement social pour condamner ces évènements. On débat en Assemblée Générale et en réunion, le choix d’interdire l’accès au centre ville historique finit par convaincre les plus modérés, la mairie a choisi son camp, celui de la bourgeoisie commerçante.

Le croco fleurit sur les banderoles, les pancartes et dans les textes, il devient le symbole de la non-dissociation, plus que cela il devient le symbole de la lutte à Rennes.