Contre la machine policière, faisons monter la pression !

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UN PROBLÈME D’IMAGE

Quand on parle de la loi « sécurité globale », c’est surtout de son article 24 qui pénalise le fait de diffuser des images où des policiers sont identifiables. Il est vrai que c’est un gros cadeau de la part du gouvernement aux syndicats de police, qui réclament depuis longtemps de telles mesures. Mais contrairement à ce que l’on peut entendre dans les discours politiques et médiatiques ces dernières semaines, la loi sécurité globale est bien plus qu’une attaque contre la liberté de la presse et la profession de journaliste ou de photoreporter.

Tout d’abord, concernant l’article 24 en lui-même, il remplit surtout deux fonctions :

  • casser le phénomène de vidéos virales qui mettent en cause des flics, attisent la révolte en créant le scandale, et qui sont bien souvent des vidéos amateurs : coup de poing sur un lycéen parisien en 2016, affaire Théo Luhaka, affaire Cédric Chouviat, coup bas des flics lors de l’expulsion des migrants place de la République à Paris, affaire Michel Zecler…
  • justifier l’intervention physique des flics au moment où quelqu’un les filme : il s’agit de donner un cadre légal à des pratiques d’intimidation qui existent déjà largement

En effet les pratiques réelles des flics sont toujours en avance sur les lois qui les officialisent, et cela va bien au-delà de l’article 24.
C’est notamment le cas pour la vidéosurveillance, autre grand point de cette loi. De l’aveu même du gouvernement, il s’agit de légaliser des pratiques qui existent déjà, en particulier sur l’usage des drones. Pour maintenir l’ordre social, l’État a besoin des prises d’initiative de sa police, au niveau du quotidien des brigades de flics, mais aussi aux niveau des centres de commandement de la police comme c’est le cas pour les drônes. Pour être efficace le maintien de l’ordre à besoin de s’adapter rapidement à l’aide de pratiques « hors cadre ». Mais ces pratiques ont un coût pour l’État : elles donnent une mauvaise image des institutions en passant à la trappe le peu de garanties qu’il nous reste face au pouvoir, et elles produisent des tensions entre institution policière et judiciaire.

L’encadrement législatif est toujours en notre défaveur ! Cette nouvelle loi ne vient pas seulement renforcer les pratiques policières, mais réparer le lien entre police et justice : les images produites par toutes les formes de caméras utilisées par la police seront utilisables pour nous poursuivre dans les tribunaux, ce qui n’était pas le cas avec des images « hors cadre ».

  • L’utilisation des drones, ainsi que celle des « caméras piéton » portées par les flics, qui pourront désormais transmettre des images en direct au commissariat, permettent :
    de coordonner plus facilement les interventions des flics, notamment en manif
  • de fournir beaucoup plus de matière aux enquêtes judiciaires en donnant un cadre légal aux images, en multipliant les points de surveillance, et en accélérant l’exploitation des données
  • de peser dans la bataille des images : les vidéos des caméras piéton pourront désormais être utilisées pour « l’information du public » dans des opérations de propagande sur les réseaux sociaux

Dans une situation où tout le monde peut très facilement produire et diffuser des images, cette loi permet à la police de reprendre la main sur un phénomène qu’elle ne parvient pas toujours à maîtriser. D’un côté elle limite la diffusion des images qui mettent les flics en cause et jettent de l’huile sur le feu de la révolte ; de l’autre elle systématise au contraire la production de ses propres images qui permettent de poursuivre, condamner et réprimer.

À nous d’inventer les formes qui permettent d’intervenir dans la bataille des images sans produire des éléments à charge contre les participants aux mouvements !

DERRIÈRE LA POLÉMIQUE, L’OPTIMISATION DE LA MACHINE POLICIÈRE

Ce qui est au cœur de la loi sécurité globale, au-delà de la question des images, c’est le projet de renforcer le dispositif répressif dans son ensemble (pudiquement baptisé « continuum de sécurité »). Ce n’est sûrement pas la réécriture annoncée de l’article 24 qui y changera quelque-chose !

Les articles 1 à 6 prévoient d’étendre les compétences d’intervention de la police municipale, contre diverses pratiques qui ne manqueront pas de se multiplier avec la crise économique: vente à la sauvette, défaut de permis de conduire ou d’assurance, occupation de halls d’immeuble, usage de stupéfiants, installation sur terrain municipal… Notamment ils pourront immobiliser et mettre à la fourrière des véhicules, et faire des saisies directement dans la rue.

Le texte de loi propose également de réglementer le recrutement et le fonctionnement de certaines agences de sécurité privée, pour en faire des auxiliaires de police. Ils seront dorénavant habilités à rédiger des procès verbaux et tenter de leur échapper sera passible de 2 mois de sursis et 7500 euros d’amende. Il s’agit d’une extension du délit de fuite qui existe depuis 2016 pour les contrôleurs, ce qui rend beaucoup plus facile la distribution d’amendes dans les transports.

Ces deux corps, police municipale et « agents assermentés » du privé, pourront à présent effectuer des contrôles d’identité et alimenter des procédures, ce qui permet d’engager des poursuites judiciaires sans passer par la police nationale.

Enfin, cette loi comporte quelques gros susucres lâchés à la corporation policière, comme la suppression des remises de peines pour les personnes condamnées pour violence sur un flic. Cette mesure jusque là reservée aux détenus condamnés pour terrorisme revient à allonger les peines, le tout pour un délit massivement utilisé dans la répressions des manifestants. On peut citer aussi l’autorisation de porter une arme hors service dans les établissements accueillant du public (bars, salles de concert, boîtes de nuit…), et bien sûr le fameux article 24. Pour un gouvernement qui repose aussi lourdement sur une répression frontale, il est capital d’avoir les flics dans la poche en brossant leurs syndicats dans le sens du poil.

En plus de renforcer la police qui bénéficie déjà d’une vague de recrutement sans précédent, ces mesures permettent une économie de moyens en libérant la police nationale de certaines tâches. Mettre à jour la machine policière, faire passer un niveau à toutes les « forces de sécurité » (flics, gendarmes, policiers municipaux, police ferroviaire et contrôleurs, vigiles en tout genre…), aligner police et justice, réprimer avec plus d’efficacité, pour moins cher : un programme qui semble indispensable au gouvernement, étant donné la vague de contestation sociale actuelle et à venir.

LA LOI SÉCURITÉ GLOBALE… ET LES AUTRES

Par ailleurs la nouvelle réforme de l’université (LPR), adoptée le 20 novembre, crée un délit pénal « d’intrusion » dans les facs. Il s’agit clairement d’empêcher l’organisation des luttes sur les campus alors même qu’ils font partie des derniers lieux de brassage lors des mouvements, où de nombreuses personnes étudiantes ou non peuvent notamment participer à des Assemblées Générales. Chacun chez soi et à sa place nous dit le gouvernement, sus aux étrangers et vive le corporatisme !

Ces lois fonctionnent ensemble. Ce ne sont pas des attaques ponctuelles et précises contre la corporation des journalistes ou celle des universitaires, elles poursuivent une tendance de fond qui existe depuis des années. La police et la justice prennent de plus en plus de place dans nos vies en général, et dans la répression des luttes en particulier. S’opposer à la loi sécurité globale, bien au-delà de la seule question de la liberté de la presse, c’est donc s’opposer à cette tendance de fond, défendre les pratiques de lutte : défendre la possibilité même de ne pas se laisser faire.

Pour espérer une victoire en 2022 le gouvernement actuel n’a qu’une solution : réussir à faire passer les réformes prévues pour la fin du quiquennat (APL, retraites, chômage…), en revenant sur le terrain des négociations avec tous ceux qui voudront bien se mettre à table. Le mandat de Macron est jusque là calamiteux, à nous de le rendre catastrophique ! Si la défaite d’un gouvernement en-soi ne permet pas de gagner, renverser le rapport de force est une nécessité vitale pour nous défendre face à la vague des attaques capitalistes qui viennent pourrir nos conditions de vie. Le capitalisme a besoin de se transformer pour survivre, et il compte bien nous faire payer la facture, on ne le laissera pas faire !

DE RETOUR DANS LA RUE !

Deux ans après le lancement du mouvement des Gilets Jaunes, le plus combatif que la France ait connue depuis plusieurs décennies, et après plusieurs mois d’hibernation sous le coup de l’état d’urgence sanitaire, la contestation contre la loi sécurité globale nous rappelle que seules des manifestations déterminées peuvent réussir à mettre à mal le programme répressif de l’État. Si le gouvernement a déjà en partie reculé sur l’article 24 en annonçant sa réécriture, il nous semble évident que ce n’est là qu’une manière de faire taire une contestation beaucoup plus globale face au serrage de ceinture généralisé qu’on nous promet.

Ce recul, presque immédiat après les manifestations offensives du week-end du 28 novembre, est, de l’aveu même de certains membres de l’exécutif, une victoire de la rue. Ne nous arrêtons pas là, ouvrons la brèche !

CONTRE LA LOI SECURITE GLOBALE DANS SON ENSEMBLE

CONTRE L’INTRUSION GRANDISSANTE DE LA POLICE ET DE LA JUSTICE DANS NOS VIES

POUR CONTINUER A S’ORGANISER ET A LUTTER

NE LÂCHONS PAS LA RUE !

La Défense Collective de Rennes