Manifestation du 7 février et occupation de la Maison du Peuple : Arrêter pour ficher, des vieux réflexes au poulailler

Compte-rendu de la répression à Rennes

Revenons sur le début de cette semaine chargée pour le mouvement social, en questionnant la stratégie de la police et de la justice sur la manifestation du 7 février et l’occupation de la Maison du Peuple.

7 février

Concernant la manifestation de mardi, la préfecture a annoncé l’arrestation de 13 personnes. De notre côté, nous pouvons en confirmer 12. 
Les chefs d’inculpations sont principalement « refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques » et « violences sur Personne Dépositaire de l’Autorité Publique (PDAP) ». Trois autres délits ont été notifiés : rébellion, dégradation et port d’artifice non détonant. 
Suite à ces 12 GAV, voici le bilan que nous avons établi: 
– 4 camarades sont sorti.es sans suites
– 4 camarades sont sorti.es avec des convocations pour procès ultérieurs
– 3 camarades sont passé.es devant un Juge des Libertés et de la Détention (JLD), ce qui a donné lieu à leur placement sous Contrôle Judiciaire (CJ), en l’espèce : interdictions de manifester dans le département en attendant les procès, qui auront lieu au mois de juillet.

Maison du Peuple

Sur le toit de la MDP, les 25 camarades sont resté.es solidaires, groupé.es, et ont refusé de quitter individuellement la MDP pour éviter les arrestations et coups de pressions isolés. Ils et elles ont toutes et tous été emmené.es au poste de police pour une vérification d’identité. 
Une vérification d’identité est une procédure pendant laquelle les flics sont chargés de trouver et confirmer l’identité d’une personne interpellée, elle peut durer jusqu’à 4h et ne conduit pas nécessairement à des suites judiciaires. Dans le cadre des verifs, nous conseillons de n’avoir sur soi aucun papier permettant de nous identifier, et de refuser de donner ses empreintes ou de se faire prendre en photo pour prouver notre identité. LAISSONS LES FLICS SE DEBROUILLER SEULS ! 25 flics mobilisés pendant 4h sur des verifs minables, c’est un comico saturé, des enquetteurs à bout de nerfs, et des dizaines d’autres procédures retardées.
En parlant des rares suites judiciaires des verifs : suite à ces 25 vérifications d’identité, seules 4 personnes sont placées en GAV. 1 sortie sans suite et 3 sorties avec convocation en avril 2024 pour refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques.
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Contrairement aux arrêté.es de la semaine dernière, aucun camarade n’a été jugé via une procédure accélérée de type CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité = reconnaître les faits dès la garde à vue, et être condammé sans procès ni possibilité de se défendre, cf. compte rendu du 31 janvier). 
A noter également : il n’y a toujours pas eu de présentation en Comparution Immédiate (procédure pendant laquelle le prévenu est présenté devant un tribunal et peut décider de demander un délai pour préparer sa défense – ce que nous recommandons – ou accepter un jugement immédiat pour les faits qui lui sont reprochés) depuis le début de ce cycle de manifestations, alors que c’était une procédure énormément utilisée pendant les Gilets Jaunes. 
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Les 4 camarades de la manifestation du mardi et les 3 camarades de la maison du peuple convoqué.es ultérieurement sont donc tous poursuivi.es pour refus de se soummettre aux opérations de relevés signalétiques. Cela consiste en : refuser le relevé de nos empreintes digitales et palmaires, et refuser de se faire prendre en photo.  

Refus des relevés signalétiques et prélèvements biologiques ?

La demande de relevés signalétiques peut intervenir à différents moment lorsque l’on se trouve au poste de police. Dans un premier temps, lors de la vérification d’identité, la police peut demander ce relevé sous prétexte de n’avoir aucun autre moyen de vérifier notre identité (ce qui est le plus souvent complètement faux !). 
Dans un second temps, lorsque l’on est placé en GAV, étant souçonné.e d’avoir commis un délit, la police demande quasi-systématiquement ce relevé, assorti parfois d’un prélèvement biologique (ADN), prélèvement qui nécessite normalement une procédure différente, mais qui dans les faits est souvent groupé arbitrairement avec les relevés signalétiques. 
Les relevés signalétiques (et prélèvements biologiques), comme la GAV de manière générale, sont des procédures voulues très encadrées et réservées aux besoins des enquêtes en cours; mais dans une réalité judiciaire où les enquêtes sont l’exception et non la règle, et où les GAV ne servent en vérité que d’usine à aveux et à PV bidons (voir notre CR de la semaine dernière), la collecte quasi-systématique des empreintes, des photos et de l’ADN sert surtout au fichage généralisé des manifestant.es.
L’ensemble de ces informations prélevées par la police, quel que soit le moment où cela intervient, rejoignent le FAED (pour la signalétique : Fichier automatisé des Empreintes Digitales) ou le FNAEG (pour les données biologiques : Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques), et y sont conservées de nombreuses années : 25 ans lorsque l’on est mis en cause (donc potentiellement classé sans suite), et 40 ans lorsque l’on est condamné par un tribunal (quelle que soit la gravité des faits reprochés).
Le refus de se soumettre à ces prélèvements est un délit en soi, qui peut soit nous mener en GAV, soit s’ajouter aux autres délits qui nous sont déjà reprochés. 
Il nous semble toutefois préférable de s’en sortir avec une convocation pour un procès ultérieur à ce sujet, plutôt qu’avec nos données inscrites dans un système de fichage généralisé des manifestant.es et de la population. N’oublions pas qu’une convocation ne veut pas dire une condamnation : il y a toujours de nombreux arguments à user pour s’en sortir !
ASTUCE : Au lieu de répondre « non » à un flic qui nous demande si l’on accepte de se soumettre aux prélèvements, répondons toujours « JE N’AI RIEN A DECLARER », cela peut s’avérer utile pour la suite.

Pourquoi refuser le fichage ?

Pour nous, refuser le fichage est un positionnement politique indispensable et collectif.
– Refuser les prélèvement n’expose pas toujours à des poursuites : il arrive souvent que des camarades sortent de GAV sans suite alors même qu’ils et elles ont refusé de s’y soumettre !
– Nous ne pouvons pas assurer que les demandes de suppression des données enregistrées aboutissent, et ce même si la GAV est classée sans suite ou que vous êtes relaxé.e lors de votre procès !
– Nos données génétiques (ADN) permettent d’identifier toute notre famille, accepter les prélèvements biologiques n’est donc jamais une décision individuelle !
– Seule une petite partie de l’ADN est prélevée, ce qui signifie qu’il peut exister de nombreuses correspondances entre l’ADN de deux personnes pourtant bien distinctes. Ce n’est donc pas une source infaillible dans une enquête !
– Les échantillons génétiques sont gérés par des laboratoires privés sur lesquels nous n’avons aucune information !
– Une fois enregistré.es dans les fichiers de police (FAED et FNAEG) nous n’avons aucune assurance de la destination ou des possibilités de partage des informations que nous avons donné car il n’existe aucun contrôle sur les fichiers et leur gestion !
– Etre intégré.e à une banque de données sur la base de simples suspicions est une grave atteinte à la vie privée de chacun.
– Nos données signalétiques et génétiques nous appartiennent et ne doivent devenir la propriété ni de l’Etat, ni de sa force répressive, ni de quiconque !
– Conservés pendant des dizaines d’années, ces fichiers sont aux mains des futurs changements legislatifs et gouvernementaux. Ils pourraient être vendus à des entreprises privées, ou utilisés par un régime d’extrême-droite pour ficher et traquer des opposants politiques
Pour conclure, refuser le fichage c’est aussi prendre part à des batailles judiciaires toujours en cours sur ces questions ! En te battant au tribunal aux côtés de la Défense Collective, tu peux gagner et participer au combat contre ces pratiques repressives !
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Sur 37 interpellations confirmées, seulement 11 dossiers donneront lieu à des suites judiciaires, dont 8 pour refus de se soumettre au prélèvement signalétique.
A nos yeux la stratégie est claire : 
– Arrestations de masse (parfois violentes), visites du comico inutiles, et GAV parfois longues qui finissent en classements sans suite : foutre la pression pour dissuader les gens de remettre les pieds en manif.
– Relevés signalétiques et prélèvements biologiques à la pelle : mettre en place le fichage généralisé du mouvement social.
– Distribution de Contrôles Judiciaires basés sur du vent : empêcher sans procès les camarades de revenir participer aux manifs rennaises.
  
Ne laissons jamais les flics nous décourager par leurs stratégies, et utilisons plutôt notre force et notre nombre pour leur faire perdre du temps : ne déclarons rien, même lorsqu’ils nous demandent les relevés signalétiques-biologiques. Face à la répression et ses magouilles, construisons la culture de la défense !
Avec un mouvement aussi déterminé et débordant qu’à Rennes, les procès s’accumulent vite. Contrairement à ce qui se voit dans d’autre villes, la Défense Collective fait le choix politique de ne pas travailler avec des avocats militants ou bénévoles, et ce afin de bénéficier de la meilleure défense possible, et que celle-ci reste fermement entre les mains des inculpé.es et du mouvement social, et non celles de spécialistes avec leur propre agenda militant. Si vous souhaitez aider à payer les frais des avocats qui plaideront pour les affaires mentionnées ces dernières semaines, vous pouvez faire un don à la caisse de soutien aux inculpé.es sur Hello Assohttps://www.helloasso.com/associations/association-etudiante-de-soutien-juridique-et-administratif

Continuons la lutte et surtout : REFUSONS LE FICHAGE ! De la rue aux tribunaux, DEFENSE COLLECTIVE !