« LA PRISON SERAIT-ELLE UNE SOLUTION A LA SÉLECTION A L’UNIVERSITÉ ? »

COMPTE-RENDU DE LA COMPARUTION IMMÉDIATE (REFUSÉE) DU CAMARADE INTERPELLÉ LE 1er MAI A RENNES

 

Ce mercredi 2 mai, un camarade était déféré au tribunal correctionnel de Rennes après 24H de GAV et une arrestation particulièrement musclée sur le pont de Bretagne lors de la manif du 1er mai.

Ce dernier n’ayant pas pu contacter les avocats de la Défense Collective, il est défendu par une commis d’office raccrochée quelques heures avant l’audience, dont l’engagement plutôt  désastreux aura des conséquences importantes sur le déroulement du procès et son contrôle judiciaire.

Tandis que la tempête médiatique bat son plein sur les affrontements à Paris, le contexte de la manif rennaise est présentée par la juge sur un mode étrangement minimaliste : avant même que le cortège étudiant ne rejoigne celui des syndicats, les forces de l’ordre chargent pour scinder le « cortège du devant » de celui de derrière, sans donner la moindre précision sur le sens de cette attaque.

Elle évoque de manière très vague des « coups de pied et des coups de poings » donnés aux flics lors de leur charge brutale, et entretient volontairement la confusion sur les auteurs potentiels des coups (elle parle « des gens », puis de l’inculpé, sans la moindre distinction…)

Ce dernier est accusé des chefs-d’inculpation suivants :

  • Violence sur agent sans Interruption Temporaire de Travail
  • Rébellion
  • Refus d’empreintes et ADN
  • Dissimulation volontaire du visage sans motif légitime, afin de ne pas être identifié lors de manifestations sur la voie publique faisant craindre des atteintes à l’ordre publique

Deux prétendues victimes, des gardes mobiles, seraient concernées par les actes de violence, et un seul porterait plainte.

L’offensive des juges

De manière prévisible lors des comparutions immédiates, la juge peste contre le manque de coopération du camarade dans le travail de police mené contre lui : comme il en a parfaitement le droit, il a gardé le silence lors des auditions et a refusé l’enquête sociale (qui est un interrogatoire déguisé sur sa vie personnelle mené à charge par des travailleurs sociaux).

Le camarade, qui a manifesté son intention de refuser la compa, est donc attaqué sur ses justificatifs personnels : « vous n’avez pas de garanties de représentations ! » crache la juge, en se plaignant que seul un fichier au Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) a permis de retrouver une photographie et une adresse chez ses parents (l’inculpé est primo-délinquant), indiquant de fait que les flics ont galéré et n’ont probablement pas eu accès aux registres d’état civil le soir du 1er mai…

L’avocate (un peu abasourdie) lui indique cela est parfaitement faux, et qu’elle vient justement d’apporter des garanties complètes : pièce d’identité, carte étudiant, justificatif de logement CROUS…

La juge, visiblement convaincue que les documents ne pourraient être que des faux, ne cesse de pinailler : s’il a un logement étudiant, il doit effectivement l’être, ce qui n’empêche pas une juge assesseure de lui demande sa filière, comme s’il s’agissait d’un élément déterminant pour prouver la véracité de sa situation.

On voit là toute l’importance d’avoir des garanties au propre et à jour : faute de pouvoir attaquer les inculpés sur le fond du dossier lorsqu’ils refusent la comparution immédiate, les juges et les procureurs s’en prennent à eux sur les moindres détails des justificatifs fournis.

Visiblement à court d’arguments juridiques solides pour justifier l’envoi du camarade en détention provisoire, la juge va lui tendre un piège : sur la question de ses examens qui pourraient être (au hasard) menacés par une incarcération, elle arrive à lui faire expliquer qu’à cause du blocage, il existerait deux modalités possibles d’évaluation : des examens fixes, et des devoirs maison en cas d’impossibilité.

Le camarade, conscient du traquenard, précise bien qu’il compte passer ses examens sur la fac.

L’assesseure, alliant fourberie et travail de renseignement, clame alors qu’il y a une contradiction entre le fait de passer ses examens et de bloquer l’université, et essaie de faire avouer au camarade son appartenance au groupe des bloqueurs, sans succès.

S’ensuit un débat sur la difficulté à consulter l’avocat qu’il a demandé en premier lieu, et la demande officielle du délai pour le report de l’audience, mettant fin à cette pénible séance d’interrogatoire par les juges.

L’avocate, dans une prise d’initiative hasardeuse, pose alors deux questions qui vont être utilisées plus tard à charge contre le camarade : une première sur son lieu d’habitation (qui a déjà été indiqué dans la présentation de l’audience, ce qui est plutôt louche), et une question portant sur la qualité des relations de l’inculpé avec ses parents.

On est typiquement en présence du début de la stratégie de négociation d’une commis d’office (pressée de se débarrasser du dossier), produite à l’insu du choix de l’inculpé : plutôt que de se battre pour faire valoir la validité évidente des garanties de représentation, il s’agit d’anticiper le contrôle judiciaire (en l’occurrence un contrôle parental des plus infantilisants) qui pourrait être prononcé par le juge à la place de la détention provisoire.

C’est une manière de gérer ses bonnes relations avec les magistrats, et de faire une offrande pour apaiser le courroux de juges pressés par les déclarations du gouvernements sur la faillite du dispositif répressif du 1er mai.

« L’espace carcéral comme lieu d’apprentissage et d’émancipation », le nouveau mot d’ordre du parquet

La procureur, elle, prolonge les attaques du juge et réclame le placement en détention provisoire sur la base d’absence de garanties de représentation. Là encore, le manque de combativité de l’avocate sur la validité des documents fournis (avec la suggestion à peine masquée de le renvoyer chez ses parents) offre un boulevard pour enfoncer le camarade.

Après un traditionnel laïus sur le fait de manifester comme « signe d’une bonne démocratie », la proc martèle dans une inspiration pleine de mystique que le camarade, lui, n’est pas un « simple manifestant », catégorie qu’on arrive difficilement à discerner entre le type qui a perdu son adresse après une insolation et une forme commune du plancton marin…

Pour évoquer la « complexité » (synonyme ici de grave dangerosité) du manifestant en question, elle évoque la fouille opérée par les flics : on y trouve des gants, un T-Shirt, des lunettes de soleil, ainsi qu’une obscure liste de matériel prouvant son appartenance aux « organisateurs, au moins de cette manif ».

« Il avait le visage grimé ! » tonne-t-elle, preuve irréfutable à ses yeux qu’il était la pour briser des vitrines, et « casser du flic ».

Se masquer poserait d’ailleurs d’après elle un risque de réitération avéré (qui justifierait la mise en détention) sur le fait de revenir en manif sans que les flics puissent l’identifier, alors que se dissimuler le visage est passible d’une simple contravention dans la loi.

A entendre la procureur, il faudrait emprisonner le pauvre camarade obsédé par la dissimulation pour lui éviter de se faire charger à nouveau par les flics…

La procureur, visiblement sensibilisée aux questions de sélection à l’université, propose ensuite que le camarade passe ses devoirs maison en prison. Selon elle, il pourrait alors profiter d’un parloir fugace pour donner son mail à ses parents afin qu’ils transmettent directement ses travaux aux professeurs.

Déterminée à aller jusqu’au bout de ses conseils en matière de révision, elle enchaîne en affirmant sans complexes : « ça ne perturbera pas son avenir, et puis on sait bien qu’en juin, il y a les rattrapages »

La magie des commis d’office

L’avocate, déjà sur le recul, tente de sauver les meubles en rappelant quelques vérités élémentaires : oui la prison a tendance à perturber l’avenir des gens, et non le rattrapage n’est pas une solution enviable pour un étudiant qui sort de détention provisoire…

Et alors que le refus de la comparution immédiate est censé poser l’enjeu du débat judiciaire uniquement sur les garanties, la commis d’office (qui n’a eu le dossier qu’une demie heure avant l’audience) va s’aventurer sur le fond de l’affaire, ouvrant le débat judiciaire avec les juges et la procureur là où il ne devrait pas avoir lieu.

Elle mentionne ainsi existence de deux dossiers (dont un non-numéroté), une procédure bâclée, et des contradictions entre les PV.

Elle rappelle basiquement que c’est un jeune qui manifeste sur la sélection, qu’il est primo délinquant, et cite un PV qui indique que « quand il a été mis au sol, il n’a pas fait de mouvement ».

Forte de ces considérations qui mériteraient de défendre une remise en liberté sans contrainte, elle en conclue que ce serait mieux de l’interdire de manif que de l’envoyer en prison, en suggérant qu’il pourrait être domicilié chez ses parents.

Pire, elle lâche que son séjour en détention pourrait « aggraver son rapport aux institutions », se torchant allègrement les fesses sur une présomption d’innocence déjà réduite en lambeaux.

Et pour bien situer sa position face aux magistrats, elle assène « qu’on sait très bien que cette peine est faite pour faire peur aux gens présents dans la salle, et pour ceux qui liront le Ouest France. »

Un report, et quelques enseignements élémentaires…

Pour conclure cette audience, le procès réel (cette fois-ci) est renvoyé au 17 mai.

En attendant, le camarade vivant pourtant à Rennes se voit interdit d’Ile et Vilaine, domicilié judiciairement chez ses parents dans les Côtes d’Armor avec l’obligation d’un pointage quotidien dans le commissariat de la ville la plus proche.

Sur cette comparution immédiate, refusée par l’inculpé, on a pu assister à ce qui se fait de pire en ce moment dans les tribunaux rennais : des juges qui se chargent de l’accusation et multiplient les pièges retors, qui remettent en question systématiquement les documents fournis par la défense… des procureurs qui considèrent la prison comme un espace de formation alternative… et des commis d’office qui négocient la culpabilité de leur client avant même qu’ils soient jugés sur des faits concrets…

Plus que jamais, ce genre de situation nous rappelle qu’il est indispensable d’avoir des garanties solides et un avocat de confiance pour faire face à ce type de situation.

Nous appelons donc toutes les personnes à les préparer au mieux avant chaque action ou manif, et nous nous tenons à disposition des camarades pour les aider à les constituer et à les stocker.

LES GARANTIES DE REPRÉSENTATION

D’autre part, il nous semble indispensable que toute personne interpellée ait sur elle (écrits sur le bras de préférence), les noms et les numéros de portable d’avocats fiables, capables de défendre ses garanties et lutter efficacement contre les contrôles judiciaires démesurés distribués par les juges lors d’audience comme celle-ci.

Pour rappel, voici les numéros des avocats de la Défense  Collective :

Nicolas Prigent : 0679483292

Olivier Pacheu : 0673071283

Et parce que mobiliser de tels moyens, en GAV comme en comparution immédiate, demande des fonds importants, nous avons constitué une caisse de soutien pour payer les frais d’avocat du camarade en attente de procès.

PARCE QUE SE DÉFENDRE, C’EST ÊTRE LIBRE

REFUSONS LA COMPARUTION IMMÉDIATE

COMBATTONS LES CONTRÔLES JUDICIAIRES

DE LA RUE AUX TRIBUNAUX,

ORGANISONS NOUS COLLECTIVEMENT !

La Défense Collective de Rennes

IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST…

Récit & analyse du procès du sherif de Rennes

Jeudi 20 juillet au soir comparaissait sur le banc des accusés le N°1 de la Brigade Anti-Criminalité rennaise, le Major Philippe Jouan. 

A la suite d’une enquête préliminaire menée pour des faits ayant eu lieu le 7 mai dernier, le tribunal correctionnel a été saisi par le procureur de la République pour les charges de violences PAR agent dépositaire de l’autorité publique, faux en écriture publique et dénonciation calomnieuse.

PROLOGUE

Pour nous qui assistons régulièrement au procès des manifestants et des cohortes de ceux que les magistrats appellent les « droits communs », le fait de voir le chef des BAC rennaises (BAC de nuit et BAC de jour) sur le banc des accusés est forcément quelque chose d’assez spécial, d’autant que la police locale a été très peu mise en cause ces dix dernières années selon les dires de plusieurs pénalistes habitués de la chambre correctionnelle de Rennes.

L’évènement est d’autant plus marquant qu’il s’agit d’une véritable figure locale de la rue, « Philippe » ou « Fifi » étant connu aussi bien des manifestants que des jeunes des ZUP de Rennes pour ses méthodes, son attitude et sa dégaine, situés à mi-chemin entre l’homme de main de Tony Soprano et Tchéky Karyo dans Doberman.

C’est un taulier très influent de la police : il cumule 30 ans de carrière chez les forces de l’ordre où il arrive à Rennes au début des années 90 (dans la période de formation de la BAC). Il fera partie de différents services dont le RAID (le GIPN de l’époque, avec lequel il effectuera des missions à la fin des années 2000 au Liban et sera décoré). Mais surtout, il est le formateur au tir et aux techniques d’interpellation de tous les flics de Rennes depuis 1996, et finira par prendre la direction des équipes BAC de jour et de nuit en 2014.

Son avocat, maître Birrien, percepteur officiel des forces de l’ordre dans la collecte des parties-civiles et avocat de militants d’extrême-droite à ses heures perdues, se retrouve pour le coup du côté de la défense, là où il déchaîne habituellement ses charges contre la « haine anti-flic »…

La juge qui préside l’audience est celle-là même qui a condamné les cinq camarades pour l’affaire du motard quelques semaines plus tôt, et le parquet est représenté par le procureur de la République lui-même, Nicolas Jacquet, signe de l’importance que revêt l’affaire pour le pouvoir judiciaire.

Si aucun communiqué de syndicat policier n’a à priori été publié (ce qui indique peut-être aussi le degré de puanteur du dossier), un groupe important d’officiers de police en civil est présent dans la salle : les bacqueux évidemment (visiblement très tendus), mais aussi les responsables de différents services comme le chef de la Compagnie Départementale d’Intervention (la BI), des pontes de la brigade des Stupéfiants, de la BRI, quelques procureurs…

De l’autre côté de ce rassemblement de tous les cowboys de la ville, quelques indiens (notamment des camarades syndiqués) entourent le jeune qui a subi la « fois de trop » des pratiques de Philippe Jouan et de la BAC de Rennes.

Les vautours de Ouest-France, Samuel Nohra en tête, attendent patiemment dans leur recoin pour se partager les restes. Les regards se croisent, s’épient, la tension est palpable dans la salle.

Tous les ingrédients sont réunis pour assister à ce qui sera moins un polar noir qu’un mauvais western dans le plus pur style de la police rennaise…

LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND

Toute cette histoire remonte au vendredi 5 mai dernier, le lendemain d’une manifestation « Ni Le Pen Ni Macron » dans les rues de Rennes pendant laquelle plusieurs camarades seront placés en GAV illégalement*. Dans le quartier de Sarah Bernhardt une patrouille de bacqueux rôde et décide de procéder à un contrôle d’identité sur plusieurs individus, il est question d’une transaction de stupéfiants…

De retour au commissariat central, le shérif Fifi et sa bande ont ramené dans leur panier un jeune que nous nommerons Sony. Ce dernier est placé en garde-à-vue et en ressort avec une convocation au tribunal pour rébellion, possession de stupéfiants et violences SUR agent dépositaire de l’autorité publique. Il repart également avec une blessure au visage, et se voit gratifié d’une plainte du chef de la BAV qui s’est porte partie-civile.

Il s’agit là d’une pratique assez systématique, la charge de violences sur agent s’accompagnant le plus souvent d’une plainte par le policier visant à récupérer des dommages et intérêts sur le dos des accusés (et c’est là qu’entre en scène généralement l’avocat des flics, maître Birrien).

Jusque-là rien de bien surprenant, une affaire somme tout banale comme on en voit régulièrement passer au tribunal. Ces procès se fondent habituellement sur les déclarations des policiers à travers leurs procès-verbaux, les défenses reposent alors sur la personnalité de l’accusé ou dans les meilleurs des cas sur des failles dans les enquêtes ou les PV…

Mais dans l’affaire de l’interpellation de Sony à Sarah Bernhardt, ce sont des incohérences grossières dans les procédures qui vont éveiller l’attention de l’institution judiciaire  : à tel point que le procureur de la République va lancer une enquête préliminaire qui va conduire à la saisie d’enregistrements de vidéos surveillance et à plusieurs auditions de témoins.

L’enquête dévoile rapidement des failles béantes dans la version des flics, à laquelle s’ajoute la plainte au civil de Sony qui s’appuie sur les constatations d’un médecin.

Le procureur met à jour les conclusions de l’IGPN : un interpellé blessé au visage, une vidéo et des témoignages des personnes présentes dans le bar (dont celui du gérant) qui accablent le major Fifi, avec pour couronner le tout les falsifications grossières d’un procès-verbal et d’une main courante pour appuyer la version du chef de la BAC…

L’institution doit réagir pour se protéger, et le major, après avoir été auditionné par l’IGPN, reçoit sa convocation au tribunal. Le ministère public l’accuse de violences, de faux en écriture et de dénonciation calomnieuse.

En bout de course, notre shérif local se retrouve sur le banc des accusés, et celui contre qui il avait porté plainte se retrouve dans son rôle de partie-civile, dans un renversement pour le moins inattendu…

Tout au long du procès, chacun des acteurs de ce curieux spectacle va dresser un portrait différent du Major Philippe Jouan  : alors que la défense l’érigera au rang du policier modèle et du bon flic par excellence, la partie-civile le désignera comme une brute épaisse qui terrorise les citoyens. Le ministère public, lui, retiendra les magouilles et la figure du truand qui a falsifié des documents officiels, et qui a rompu le lien de confiance entre la police et la justice.

Un justicier dans la ville :

L’élément déterminant qui a permis la tenue de ce procès est en premier lieu la vidéo de surveillance du bar PMU de Sarah Bernhardt, deux courtes séquences qui vont sceller le sort du chef de la BAC.

En voici une brève description  :

La scène du bar n’est pas sans rappeler celle d’un épisode vidéo youtube russe sur les règlements de comptes mafieux.

Dans l’ambiance morne du PMU de quartier, Sony entre le premier en courant dans le saloon, en reculant précipitamment pour chercher un refuge au fond de la pièce, tout en jetant des regards effrayés derrière lui.

« Fifi » fait alors son entrée fracassante, et arborant un style mêlant Terminator et Justin Bridou, il va se diriger froidement, mécaniquement, droit vers le jeune homme qu’il sait pris au piège en écrasant tout sur son passage, sans jeter le moindre regard vers les autres clients du bar.

Sony se retrouve dos au mur, derrière une table pour se protéger, en vain. On le voit ensuite tomber au sol alors que Philippe Jouan est à son contact. Le jeune homme est alors recroquevillé à terre, tenu par le col par le gros tas de muscle emballé dans chemise à carreau.

Soudain, après un bref moment de flottement, le chef de la BAC va brutalement lui assener un énorme coup de genou en pleine tête, avant de le relever par un étranglement et le traîner hors du bar avec l’aide d’un collègue venu en renfort.

Une seconde vidéo prise d’un autre angle, qui sera diffusée pour répondre à la défense du Major, nous révèle l’environnement proche d’eux.

Sur les cinq personnes qui assistent pétrifiés à la scène, aucun ne bouge dans le bar, hormis un type qui s’approche mollement des fonctionnaires avant de se faire violemment repousser d’une main par «  Fifi  », tandis qu’il étrangle Sonny de l’autre.

L’image s’arrête là, mais malgré la froideur de la scène, un certain malaise a déjà envahi la salle d’audience (surtout côté cowboys…).

La vidéo est nette, Sony est soumis et vulnérable, il ne fait aucun geste pouvant justifier un coup porté aussi froidement. Il en sera débattu à plusieurs reprises au cours du procès  : quelque soit la situation, rien dans la formation que reçoivent les fonctionnaires de police ne peut justifier une « percussion » au visage.

Le procureur a d’ailleurs mobilisé un expert des techniques d’interpellation et verse au dossier un manuel de méthodologie des gestes pour neutraliser un individu.

La juge quant à elle fait la distinction entre résistance active et passive. Sony n’était pas violent, il n’adresse aucun coup au Major, il refuse simplement de se laisser embarquer, il est donc en résistance passive.

-« Je lui mets un coup de genou juste pour le désorienter, pas pour lui nuire, mais il résiste » déclare Fifi à la juge.

Les témoins du bar, cité par l’IGPN, déclareront que « la victime était paniqué et recroquevillé sur elle-même », ou encore « qu’elle avait peur« .

La défense du chef de la BAC se repose alors sur « l’hostilité » des gens du bar PMU, une attitude qui justifierait la violence exercée contre Sony par le bacqueux au nom d’une supposée situation d’urgence.

-« Je dois l’exfiltrer, je suis tout seul, des gens me disent de le lâcher… » se justifie t-il.

Voilà pour la partie visible des faits. 

Concernant les évènements à l’extérieur du saloon, le shérif soutient que Sony était très agité et qu’il aurait tenté de fuir. Ce dernier lui aurait dans le même temps assené un coup de pied, que «  Fifi  » aurait vaillamment repoussé du bras (il en aurait gardé un hématome comme preuve d’une blessure dans l’exercice de ses fonctions).

Face à la juge consternée, il affirme alors que Sony, parvenant à se libérer, se serait alors immédiatement « jeté sur un réverbère » (la salle d’audience contient difficilement ses rire)… Une version dont la rationalité implacable sera contestée plus tard par les témoignages des clients, qui verront plutôt le major balancer joyeusement le jeune homme la tête la première dans le mobilier urbain.

Malgré le caractère complètement grotesque de cette description, Philippe Jouan sait que sa version des évènements survenus à l’extérieur du bar ne peut pas être remise en doute par la vidéo, les procès-verbaux étant les seuls éléments qui pourraient établir LA vérité, une vérité déjà remise en cause dans cette affaire par les incohérences et les mensonges flagrants des flics.

Mais c’était sans compter sur la compétence et le sens de l’administration de ses deux acolytes, Combès et Falaschi, habitués aux montages de PV de haute volée.

Deux associés et une cloche :

Après la mise à mal de la version officielle de la scène du bar par la preuve vidéo, c’est au tour de la procédure administrative, qui répond à l’accusation de faux en écriture publique, d’être battue en brèche.

Le flic de terrain laisse alors la place au flic de bureau, mais la méthode reste la même.

Notre shérif local rentre au commissariat avec son jeune interpellé sous le bras. Comme après toute arrestation, l’agent qui y a procédé doit remplir un Procès-Verbal d’interpellation.

Or, selon ses dires, il se trouve alors incapable d’écrire lui même ce PV, la faute à sa blessure au bras qui l’empêche de taper au clavier et même de le signer !

Qu’à cela ne tienne, un collègue OPJ lui prête main forte, il écrit sur sa dictée et utilise son propre nom pour constater la version. Mais alors pourquoi avoir utilisé le nom de son collègue sur le PV, le mêlant ainsi à l’affaire alors qu’il n’était même pas présent dans les faits ?

Un procès-verbal écrit à chaud qui, confronté à la vidéo du bar et aux témoins, révèlera que tout n’est qu’affabulation. Il relate dans ses écrits, ou plutôt dans ceux de son associé OPJ, avoir reçu des coups de la part de Sony à l’intérieur et à l’extérieur du bar.

S’il explique en substance que le premier réflexe du jeune homme a été de « se jeter contre un mur » (un phénomène comportemental décidément fréquent au contact de la BAC), il ne fait en revanche aucune mention de son coup de genou destiné à « désorienter » l’interpellé…

Devant la juge il se justifiera d’avoir « fait au plus court » dans l’écriture du PV, d’avoir réalisé un « package » ou un « canevas » des évènements pour rentrer plus vite à la maison se reposer…

Il justifie « sa précipitation » par la fatigue et par sa position hiérarchique. En temps normal il ne procède pas aux interpellations, il ne fait que « manager » son équipe de terrain donc il n’a pas à rédiger les PV d’interpellations.

« Je n’ai pas l’habitude de taper » déclare alors l’accusé, provoquant quelques crises de rire incontrôlables dans la salle…

Le deuxième associé, c’est son collègue bacqueux qui est venu le soutenir et l’a « aidé » à sortir du bar. Ce dernier n’a pas assisté aux coups dans le PMU, ni à l’extérieur d’ailleurs, le Major dira même de lui sur un ton amer qu’il ne devait pas être présent ce jour-là si ce n’est pas raconté dans son PV. En effet, dans le procès-verbal du subordonné de Fifi, aucune mention n’est faite de violence que ce soit de l’un ou de l’autre, avec un rapport en complète contradiction avec celui de son supérieur. Il était tard ce soir là, ils n’ont probablement pas eu le temps de se concerter…

La magie du destin veut que cet agent de la BAC ne soit autre que Jérémie Falaschi, le même qui a procédé à l’interpellation le 27 avril dernier d’un manifestant accusé de jet de projectile. C’est celui là même que des témoins de la scène décriront comme faisant partie du groupe de policiers aperçus en train de mettre des pierres dans les poches de ce manifestant lors de son interpellation…

Fifi le cochon truffier :

Le flagrant délit de transaction de stupéfiant n’est pas non plus mentionné dans les PV.

Or, comme le rappelle doctement le procureur, pour justifier d’une vérification d’identité il doit soit être question d’un flagrant délit ou bien d’une autorisation du procureur de procéder à des contrôles en liant un périmètre donné avec des types d’infractions. La juge relèvera également que devant l’IGPN aucune mention n’est faite d’un quelconque flagrant délit…

Le Major, mal à l’aise, finit par admettre qu’il n’a pas vu le flag de ses yeux, mais qu’il l’a senti et plus fort encore, qu’il l’a supposé !

Son avocat insiste plus tard sur ce point : « avoir du flair ça fait parti du métier de policier« , « il y a les choses que l’on voit et celles que l’on sent« …

Pour quelques dollars de plus :

La troisième charge retenue par le ministère public contre le shérif de la BAC est celle de la dénonciation calomnieuse, c’est-à-dire la tentative de poursuivre Sony pour violences et lui extorquer ce qui est devenu un véritable salaire indirect au sein du service.

Après son interpellation musclée, Philippe Jouan a donc déposé une plainte au civil, justifiée selon lui par un coup de pied qu’il aurait réussi à parer du bras, lui laissant un hématome comme preuve de la violence de l’interpellé.

Mais voilà  : il n’est pas fait mention de ce coup dans les déclarations de son collègue qui était présent au moment des faits que décrit le Major dans le PV d’interpellation. Cela semble tellement devenu un automatisme dans les méthodes des flics, se porter systématiquement partie-civile et confondre résistance passive et active. Attirant quand on peut arrondir ses fins de mois au tribunal… on tabasse et on rackette ensuite en se faisant passer pour une victime.

À la barre, Sony partage sa conversation avec le chef de la BAC dans la voiture en route pour le commissariat : « il a dit dans la voiture qu’il avait du sang sur le bras et qu’il devait porter plainte« .

Puis son échange avec un OPJ en garde-à-vue : « Quand j’étais en GAV, on m’a dis que j’irai en prison pour violences sur agent« .

L’OPJ lui dira même qu’il a de « la chance d’être tombé sur un moins bon flic » (la juge surprise le reprend sur cette déclaration)… Sous entendu  : un “vrai bon flic” n’aurait pas tabassé un type devant caméras et témoins (il aurait choisi un meilleur lieu) et n’aurait pas bâclé les formalités administratives.

A plusieurs reprises, la juge accentuera la pression sur Philippe Jouan, vidéo à l’appui, afin qu’il reconnaisse qu’il a produit un faux en écriture et qu’il n’a pas été violenté dans le bar contrairement à ce qu’il avait écrit dans le PV.

À mesure que la magistrate le cuisine, « Fifi » ne cesse de s’embrouiller, et fait varier d’une déclaration à l’autre quand il s’agit des faits à l’extérieur du bar.

L’absence de vidéo lui permet d’entretenir encore le doute sur la violence exercée par Sony dans sa tentative de fuite, mais il se ridiculise à chaque fois dans ses réponses. Et au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans les échanges avec la juge, il finit par se réfugier systématiquement dans registre de la faute professionnelle.

A ses yeux, ce n’est finalement qu’une faute procédurale, et quand la juge lui demande comment il agirait si la scène devait se reproduire il répond : « je referai la même chose à froid« . 

Et lorsqu’elle soulève le risque d’incarcération qui pesait sur Sony pour les faits de violences sur agent, qui seraient sans doute arrivés si il n’y avait pas eu de vidéo de la scène, il lance sur le ton du défi : « mais vous pensez vraiment qu’il serait allé à Vezin ? »

C’est finalement Sony qui conclura cette débandade : « ce n’est pas simple d’être ici […] je suis ici parce que je sais qu’il y avait des caméras et des témoins. »


ANALYSE :

QU’EST CE QU’IL SE JOUAIT A LA COUR CORRECTIONNELLE CE JOUR LA ?

Avec un peu de recul, il y a quelques éléments inattendus qui sautent aux yeux dans cette audience un peu grotesque, où le chef de la BAC de Rennes se fera malmener pendant près d’une heure par une juge qui mettra méthodiquement en pièce le bricolage administratif monté pour faire disparaître un unique coup de genou.

Ce dernier, bien que totalement gratuit et d’une rare violence, reste cependant assez anodin au regard des méthodes beaucoup plus graves et scandaleuses de Philippe et sa meute de brutes sadiques qui écument les ZUP et les manifs de Rennes (meurtre de Babacar, loi Travail, Bagelstein, manifs du soir du premier tour, affaires des témoins…).

Et au delà de ça, qu’est ce qui fait qu’un type censé former la quasi-totalité des flics rennais en arrive à se faire prendre comme un débutant aux ficelles grossières ?

Comment un vieux briscard de la répression, habitué à envoyer des bataillons d’inculpés à la barre et à gratter systématiquement des parties civiles, peut être amené à bafouiller une défense aussi misérable devant des juges, des procureurs et des avocats au ton infantilisant ?

La BAC, plus qu’une police,

un rapport social quotidien.

Ce qui nous a marqué durant ce procès, c’est que la distance professionnelle, politique, et même linguistique qui séparait Philippe Jouan des magistrats, s’expliquait fondamentalement par le fait que la BAC rennaise (dont il est la caricature absolue) est une pure police de proximité.

Pour «  Fifi  », le quartier de Sarah Bernardt, c’est son terrain de chasse, un territoire où tout le monde le connaît tellement bien qu’il n’a même plus besoin d’exhiber son brassard pour se faire identifier par la population (même la juge le concèdera, envoyant aux oubliettes la requêtes de l’avocate à ce sujet).

Le saloon-PMU est un de ces lieux sur lesquels il veille personnellement, en témoigne ses rapports étroits avec le gérant à qui il a donné son téléphone portable individuel, en lui demandant de fermer un des accès pour que les dealers ne puissent pas prendre la fuite lorsqu’ils voient Fifi et sa bande débouler.

Le jeune Sony, qui est arrivé sur Rennes en décembre 2016, fait figure d’étranger, c’est le Kid qui débarque en ville. Vite repéré par notre shérif qui tient les murs, celui ci va en quelques mois se charger de lui mettre deux énormes coups de pression, moins pour mener des poursuites judiciaires que pour lui faire rentrer dans le crâne les règles de la rue à grands coups de genou en plein visage.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette violence n’est pas destinée à faire déguerpir de la ville les « nouvelles têtes », elle s’inscrit dans la construction d’une relation de soumission quotidienne. Celle-ci est marquée par les coups de pression physiques sur les corps, mais également par la mise en place d’une relation de familiarité, d’une connivence qui mêle la terreur et le paternalisme : Sony relate ainsi comment Philippe, après lui avoir infligé une raclée de rigueur, lui a confié qu’il « l’aimait bien« , et « qu’il trouvait ça dommage, qu’il devrait porter plainte contre lui« .

Le chef de la BAC n’a d’ailleurs eu de cesse de répéter qu’il n’avait aucun grief contre lui, qu’au contraire il l’aimait bien, qu’il trouvait « juste dommage » de le trouver dans la rue de la sorte. L’épisode où après avoir « extrait » (à grands coups de coude dans la face) Sony une première fois d’une tour de Clémenceau, Fifi a offert son blouson au jeune homme dont le t-shirt était en miette en lui tapotant l’épaule, témoigne de cette volonté de construire une « relation de rue » marquée par le bizutage viril et la soumission à une figure de « parrain » local.

Être dans la BAC à Rennes, et Philippe Jouan l’incarne parfaitement, c’est entretenir un rapport au monde qui mêle une emprise sur les gens, les lieux, les objets, et une paranoïa constante vis-à-vis de l’ensemble de la population. Et c’est cette même paranoïa qui auto-justifie de manière absolue leurs méthodes.

La vidéo du bar censé être une plaque tournante de la drogue montre des clients notoirement apathiques (la plupart sont des post-cinquantenaires absorbés dans le PMU), complètement dépassés par la violence de la scène (même le type qui s’approche de Sony après qu’il ait pris le genou en pleine tête le fait avec une lenteur déconcertante).

« Fifi » le répètera pourtant constamment à la juge : « j’étais dans un climat extrêmement hostile […] je connais la population qui fréquente ce bar […] mon principal objectif était d’exfiltrer le plus rapidement possible le suspect […] le coup de genou, c’était le seul moyen de le faire sortir rapidement du bar […] ».

Cette paranoïa transpirait complètement dans la défense complètement bancale du vieux chef de la BAC, jusqu’à atteindre le quasi-délire : alors que la juge lui faisait avouer (après une demi-heure de bafouillements pathétiques) que les violences menées par Sony à son encontre étaient inventées de toutes pièces, Philippe Jouan n’a pas pu s’empêcher d’invoquer des « jets de projectiles à l’extérieur du bar« . Ces derniers ne figuraient dans aucun PV, et se trouvaient en totale incohérence avec les descriptions faites par les autres officiers.

Il finira par se rétracter minablement devant la juge consternée : « je vous dois la vérité […] je ne vois pas ce qui tombe« .

Même le procureur, pourtant obsédé par la défense de l’institution policière dans un « contexte d’accusation systématique des méthodes des forces de l’ordre » en appellera au bon sens le plus élémentaire : il n’y avait aucune menace réelle dans le bar, et aucune trace d’un danger à l’extérieur de l’établissement. 

A contrario, les experts en sécurité chargés de définir les règles et les méthodes d’interpellation déclareront après visionnage de la vidéo « ne pas être choqués » par la conduite de Philippe Jouan, compréhensible à leurs yeux par « l’absence de maîtrise sur les paramètres et les dangers environnants ».

Son avocat en rajoutera une couche : pour lui, ce rapport au monde est ce qui caractérise le fameux flair des policiers, ce qui fait leur qualité d’investigation quasi-instinctive dans la rue.

Il ne s’agit donc pas du coup de folie d’un individu, mais bien d’une organisation institutionnalisée de la paranoïa de la police vis-à-vis de la population qui l’entoure. 

Birrien (l’avocat des flics) aura ces mots aussi terribles que révélateurs : « Que savons nous véritablement de cette situation qu’il est si facile de juger ? Certes, les clients du bar semblent passifs durant l’interpellation, mais n’est ce pas justement parce que M. Jouan a agi de la sorte qu’ils sont restés en retrait ? »

On comprendra évidemment à ce stade que les méthodes de la BAC ne visent pas à marquer en premier lieu ceux qu’ils interpellent, mais avant tout les personnes qui en sont témoins et les espaces où se déroulent les arrestations.

FLIQUES IT EASY

On voit aussi que ce rapport social ne s’arrête pas aux situations chaudes ou aux horaires de patrouille de la BAC.

Alors même qu’il se trouve confronté à ses propres incohérences face à la juge, Philippe Jouan semble incapable d’avoir du recul sur la situation, comme si il était impossible de s’extirper de ce qui constitue son quotidien absolu.

Et pour cause : une des conditions de ce formatage physique et psychologique est un un engagement professionnel constant, un asservissement total au travail.

Philippe Jouan se décrit comme « un fonctionnaire aux horaires atypiques » : présent de jour comme de nuit, avec des semaines allant jusqu’à 70h d’activités par semaine suivant le contexte. Cumulant les réunions et les fonctions de « management des équipes de terrain » et de « formations au tir et aux techniques d’interpellation« , il navigue au gré des équipes en « autonomie » pour assurer du soutien sur un mode de fonctionnement « auto-géré » où il n’hésite pas, comme dans l’affaire présente, à intervenir seul et spontanément dans un espace pourtant jugé dangereux.

Le plus frappant est la manière dont il considère les suspects et les interpellés : de manière systématique, il qualifie Sony et les personnes arrêtées de « clientèle« , intégrés dans sur un « marché » de la délinquance où on repère les plus « chargés« , où vos pratiques peuvent faire de vous une « bon client » connu et reconnu.

Philippe Jouan est à l’image de ce que le capitalisme produit de meilleur soldat du salariat : c’est un auto-entrepreneur de la répression, consacré jour et nuit à la formation, l’optimisation, et le management de la machine policière. 

EN AVANT LA MUSIQUE : 

UNE REMISE AU PAS DE LA POLICE PAR L’APPAREIL JUDICIAIRE

Ce jeudi de mois de juillet, dans une ambiance estivale déconnectée de l’agitation rennaise ordinaire, l’intensité du procès insufflée par l’agressivité des magistrats sonnait clairement faux.

Malgré un interrogatoire extrêmement répétitif et humiliant de la juge, malgré les exclamations scandalisées de l’avocate de la partie-civile ou les grandes envolées du procureur… l’effet de mise en scène trahissait des enjeux qui n’avaient aucun rapport avec la question des violences que Sony aurait subi ce jour là.

Tout au long de l’audience, il est apparu de plus en plus évident que ce n’était pas le coup de genou reçu en pleine tête qui était réellement le centre du débat, mais son absence de traitement administratif et judiciaire approprié.

Fifi ne s’en est d’ailleurs jamais caché : cette attaque brutale était selon lui parfaitement adaptée à la situation de danger omniprésent dans lequel il se trouvait, et au final le geste en lui-même n’a pas été considéré comme un problème central par les magistrats.

De manière générale, ce qui était reproché au chef de la BAC, ça n’était pas d’avoir éclaté la gueule de Sony, mais plutôt d’avoir omis sciemment de le justifier auprès de l’OPJ, et pire, d’avoir tenté de biaiser la procédure en faisant rédiger un PV par un autre flic, et une main-courante par un autre.

Et c’est un point essentiel du procès : la culpabilité de Philippe Jouan, qui manifestement a essayé de se défausser sur ses collègues pour noyer sa responsabilité dans la disparition du coup de genou des PV, est formellement établie dans le droit. C’est notamment à partir d’une jurisprudence de la Cour de Cassation que le procureur va expliquer qu’on est avant tout l’auteur intellectuel (et non forcément physique) d’un faux en écriture.

Si face à ces attaques, « Fifi » ne cessera de défendre la pertinence des violences qu’il a fait subir à Sony avec l’attitude du vieux baroudeur de rue, il se confondra en excuses misérables pour son incompétence administrative, comme un gamin pris la main dans le sac par son professeur : les larmes aux yeux, il répètera inlassablement « j’ai été un mauvais flic ce jour là« , non pas du fait d’avoir jeté un jeune homme a moitié KO la tête la première sur un réverbère, mais pour avoir magouillé un PV en essayant de faire porter le chapeau à ses collègues.

« J’aurais attendu de vous que vous assumiez directement le fait d’avoir négligé le coup de genou, et c’est cette tentative de dissimulation […] qui caractérise selon moi votre culpabilité« .

Cette phrase du procureur résumera finalement très bien ce qui était reproché ce jour là au chef de la BAC de Rennes, et surtout le message qu’il envoie à l’ensemble des forces de l’ordre présentes dans la salle : assumez votre violence, y compris dans sa dimension irrégulière (voir illégale), et vous ne serez pas poursuivis au-delà de la simple sanction interne.

UN GROS FUSIBLE POUR

SAUVER LA MACHINE REPRESSIVE

Le discours du procureur de la République, censé mener la charge de l’accusation sur les faits, portera beaucoup plus ouvertement sur le rôle politique de ce procès : « il faut réhabiliter l’institution » car « nous sommes dans un contexte local et national de remise en question systématique de l’action de la police et de la gendarmerie« .

A ce stade, il ne faisait plus aucun doute que le procureur se foutait comme de l’an 40 de la question des « violences policières », acquises comme une nécessité vitale de l’appareil judiciaire.

L’enjeu était pour lui de rétablir la confiance « entre tous les acteurs de la chaîne pénale« , et de mener campagne pour réhabiliter l’institution policière, notamment au niveau médiatique. Tout en remerciant « les policiers qui sont allés chercher les vidéos [du PMU] », il a rappelé que l’enquête préliminaire qui a été menée contre le chef de la BAC n’avait pas été lancée par la plainte de Sony, mais par le parquet de son propre chef.

On comprend alors que ce procès a été orchestré de A à Z par le procureur de la République, qui a choisi de faire un exemple dans un contexte marqué par la médiatisation massive des pratiques de la police, en premier lieu les meurtres et les coups de pression sanglants de ces dernières années.

Son propos est limpide : « je revendique la constante fermeté à l’encontre des actes contre les policiers » et « j’assume d’avoir toujours fait passer la paroles des policiers avant celle des prévenus« , et « pour cette raison, j’exige en retour une rigueur parfaite de tous les acteurs de la chaîne pénale« . 

La messe est dite.

Dans cette perspective, le sacrifice du vieux bouc galeux, celui qu’on a « envoyé au carton » pendant des décennies (comme se plaisaient à le répéter l’avocat et le procureur), était une mesure et un symbole à la hauteur de l’enjeu.

EPILOGUE

Après un procès aussi étrange, parfois comique et souvent pitoyable, la question de la peine et des parties civiles est devenue rapidement secondaire au vu des enjeux politiques autour de la condamnation du chef de la BAC.

Le procureur, qui a requis dix mois de prison avec sursis simple, a affirmé sa conviction que Philippe Jouan ne pourrait retrouver sa place au sein de la police, une mesure qui reste par ailleurs suspendue à la décision du ministère de l’Intérieur.

L’avocate de Sony, elle, n’a réclamé que 6 000€ au titre des violences subies par son client et des conséquences de la procédure mensongère.

L’avocat des flics, qui a plaidé la relaxe pour les chefs d’inculpations pour l’ensemble des faits reprochés, s’est acharné à rappeler la carrière immaculée (aucune condamnation ni mesure disciplinaire) d’un homme dont « on ne peut pas se passer« , et dont « il n’est pas possible de se mettre à la place dans une situation comme celle du PMU« .

La juge, elle, décide que le verdict est renvoyé au mois de septembre prochain.

Ce qu’on retiendra de la fin de cette audience, c’est peut-être avant tout la déchéance de Philippe Jouan, lui qui suintait l’arrogance et affirmait par toutes ses attitudes la toute-puissance de la BAC dans la rue : « ça fait bizarre de finir comme ça » dira le gros tas de muscle effondré en pleurs devant la barre, lui qui a endossé la responsabilité pour tous les flics locaux de la rupture du pacte de non-agression qui unit police et justice.

A l’image des cowboys fantomatiques et sanguinaires qui disparaissent avec l’arrivée du chemin de fer dans les westerns spaghettis, il restera le symbole misérable de la manière dont l’appareil répressif traite les vieux bouchers dont il s’est servi pendant des années.

C’est un épisode qui risque de marquer sévèrement les esprits dans toute la police rennaise, en témoigne la tension extrême qui régnait lors du réquisitoire.

Pour nous, il n’y a clairement aucune satisfaction particulière à tirer de cette audience, hormis quelques moments de franche rigolade quand Fifi s’embourbait minablement face à la juge.

Ce procès reste avant tout une reconfiguration du rapport de force entre deux instances qui sont clairement une menace pour nous de tout point de vue, un règlement de compte interne dans la machine répressive qui répond très probablement aux coups de pression mis sur les tribunaux lors des récentes manifs de flics.

Loin d’une remise en cause des pratiques policières, cette procédure vise au contraire à en lisser les contours pour faire rentrer dans le cadre de la normalité administrative les « bavures » ou les « dérapages », qui sont dors et déjà partie intégrante et ordinaire de la police.

La démarche engagée à moindre frais par le procureur général (il ne s’agit encore une fois que d’une petite affaire au regard de la peine requise et des crimes récents de la police) pour purger l’institution est à prendre dans toute sa signification : si elle témoigne à la fois d’une attention portée à l’image médiatique des forces de l’ordre, elle est aussi marquée très fortement d’une volonté de rendre la police locale la plus procédurière et conforme possible à un état de droit en constante mutation.

Et au vu du mouvement social qui s’annonce, nous devons nous tenir prêts et garder en tête les mots du procureur de la République : face à une institution qui est prête à sacrifier le chef de la BAC pour avoir la légitimité de faire passer systématiquement la parole des policiers avant celle des prévenus, nous devons nous organiser plus que jamais pour construire nos défenses en amont comme en aval des arrestations.

De la rue aux tribunaux, face à la police et à la justice,

Organisons nous !

La Défense Collective de Rennes


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VICTOIRE ! RELAXE SUR LES CHARGES DE REFUS DE PRÉLÈVEMENTS D’EMPREINTES ET D’ADN

VICTOIRE !

Ce jeudi 29 juin 2017, un camarade passait devant le tribunal correctionnel de Rennes pour deux affaires à priori distinctes, mais jointes en raison de chefs d’inculpations communs :

AFFAIRE N°1 : [Recel de palettes avec deux circonstances aggravantes : effraction par ruse, escalade et vol en réunion.]

Le 2 juin 2016, une action de blocage économique était organisée par la CGT devant les entrepôts de Logidis Carrefour market au Rheu, durant laquelle des palettes avaient été récupérées sur un chantier voisin pour faire un feu devant la porte.
Les quelques gendarmes présents sur place n’interviendont pas, mais convoqueront plus tard le camarade au motif que sa voiture aurait été repérée sur les lieux en train de transporter les fameuses palettes.
Après avoir refusé de répondre à leur convocation le temps de préparer sa défense et ses garanties de représentation, le camarade choisira de se rendre un vendredi à la fin du mois d’octobre (afin d’éviter notamment une comparution immédiate qui ne peut avoir lieu le week-end). Après plusieurs mois à préparer son passage à la gendarmerie, il choisira de ne rien déclarer à l’OPJ et sera placé en GAV pendant une dizaine d’heures, durant laquelle il refusera également donner ses empreintes et son ADN.
Les gendarmes, à défaut d’éléments pouvant justifier d’une quelconque mise en détention ou contrôle judiciaire pour le recel, le remettront en liberté avec une convocation neuf mois plus tard.

AFFAIRE N°2 : [Refus de se soumettre au prélèvement d’empreintes, et refus de se soumettre au prélèvement d’ADN.]

Le 4 mai dernier, il était interpellé lors d’une nasse de la dernière manifestation « ni Macron ni le Pen« .
Après avoir été conduit au poste pour une vérification d’identité avec une douzaine d’autres personnes, les flics avaient alors posé la condition suivante :
ou les personnes se soumettaient directement à la vérification d’empreintes sur la borne (qui sert d’ordinaire au prélèvement de la signalétique), ou elles étaient placées directement en garde à vue durant laquelle il leur serait immanquablement demandé de donner leurs empreintes + leur ADN (cette fois sous la forme de prélèvement et non de vérification), avec du coup la menace de poursuites pénales pour ce nouveau refus.
Qu’importe le fait de donner son état-civil complet, qu’importe que les gens soient enregistrés sur le ficher des immatriculations (censé être accessible en temps réel pour les keufs), le procureur avait ordonné le placement en GAV direct de toute personne qui refuserait cette consultation immédiate.
Face à au refus de base des personnes arrêtées, les officiers de police judiciaire présents sur place ont insisté lourdement sur le fait que cette vérification des empreintes, bien qu’effectuée sur la machine permet leur prélèvement en GAV, n’engendrerait pas de stockage des informations, et donc à priori pas de fichage…
Habitués aux mythos des flics, les camarades ont discuté un moment de la pertinence d’un refus, qui les conduirait à priori directement en GAV (où ils refuseraient la signalétique avec des poursuites à la clé) dans une situation où aucune infraction n’avait été constatée et il où semblait possible d’éviter une judiciarisation qui tendait à devenir systématique en cas de refus.
Le cas prêtait d’autant plus à débat que l’un d’entre eux avait déjà effectué cette vérification à Lyon quelques mois auparavant, et qu’il était possible de constater directement sur la machine rennaise si un prélèvement engendrant un fichage avait été effectué à cette occasion.
Après consultation de la machine, les flics ont annoncé au camarade qu’ils n’avaient aucune trace de lui, et qu’il pouvait quitter le commissariat.
Après hésitation, la plupart des personnes ont décider d’accepter la « consultation » des empreintes, avec évidemment la très pénible impression de n’avoir aucune prise réelle sur ce nouveau dispositif des flics, visiblement pratiqué dans plusieurs grandes villes françaises.
Trois camarades, déterminés à refuser cette injonction ou ayant hésité trop longtemps, se verront placés en GAV pendant une dizaine d’heures, et convoqués au tribunal à différentes dates, dont celle du 29 juin pour celui qui était déjà poursuivi pour le recel de palettes.

– LE PROCES –

Plus d’un an après l’action qui lui a valu sa convocation, le camarade se retrouvait au tribunal correctionnel face à des juges sensiblement différents de ce qui ont présidé les procès des militants jusqu’à présent : dernier à passer de la journée, les affaires qui se sont succédées avant la sienne étaient marquées d’une certaine mesure en matière de sanction, et d’une volonté d’affirmer une justice « pédagogique » à l’encontre des prévenus, aux antipodes de l’abattage sordide et brutal auquel on peut assister en comparution immédiate.
L’avocat avait transmis ses conclusions à l’ensemble de la composition du tribunal, évitant de fait des incompréhensions liées à la fatigue ou des quiproquos liés à l’explication purement orale de l’affaire.
Celui ci est catégorique : il demande la nullité de la procédure pour le refus de signalétique dans les deux cas, et la relaxe pour le recel de palette.
La nullité est exposée dès le début de l’audience, coupant l’herbe sous le pied aux questions qui pourraient être posées au prévenu (le camarade faisant savoir directement aux juges qu’il ne souhaiterait pas répondre aux questions). Elle est demandée sur la base de deux types de failles fondamentales du dossier des flics :

– SUR LA FORME :

Les gendarmes de Mordelles qui l’ont placé en GAV pour le recel de palettes n’ont pas formellement inscrit la question du refus ou non de la signalétique dans leur PV d’audition, en se contentant de notifier son refus dans une note qu’ils rédigent eux-même. Pour l’avocat, il s’agit d’une façon d’agir irrégulière dans la mesure où les flics pourraient choisir eux mêmes de notifier un refus de signalétique, sans même à passer par l’avis de l’interpellé.
Les flics qui l’ont placé en GAV au mois de juin dernier pour le refus de vérification d’empreintes, n’ont pas fourni de PV d’interpellation, enlevant de fait de la procédure les motifs qui pourraient justifier de son interpellation. Son PV d’audition est d’ailleurs rédigé par des OPJ du service d’accueil de jour, et non pas la BAC qui a mené les interpellations dans la nasse, ce qui reflète une situation judiciairement absurde dans laquelle une personne se trouvant sans raison particulière au poste (sans même d’éventuelles suspicions à son encontre) devrait se justifier de ne pas y avoir donné ses empreintes et son ADN.
Par ailleurs, la vérification des empreintes sur la borne électronique n’est obligatoire que lorsqu’il s’agit de l’unique moyen dont disposent les forces de l’ordre de s’assurer de l’identité d’une personne interpellée. Le format de quatre heures de cette procédure est précisément dédié à la recherche d’éléments pouvant permettre l’identification : registres d’état-civil, présences de justificatifs dans la fouille, inscription au registres des immatriculations, vérification au domicile, fichier de traitement des antécédents judiciaires etc…
Dans le cas présent, les demandes de vérifications d’empreintes avaient été (volontairement) faites dès l’arrivée des camarades au poste, les obligeant à prendre une décision rapide permettant pour les flics de faire à moindre effort le tri entre les personnes susceptibles ou non de refuser la signalétique.

– SUR LE FOND,

L’avocat à versé deux jurisprudences qui viennent casser la validité de la procédure :


¤ Du Conseil Constitutionnel (avec jurisprudence de la Cour d’Appel de Rennes N°17/00281) :
La première concerne la vérification d’identité elle-même, qui a été justifiée le jour de la manifestation par une ordonnance du procureur permettant de conduire au poste toute personne ne pouvant justifier de son identité dans un périmètre qui englobe le centre-ville rennais.
Ces ordonnances, définies dans l’article 78-3 du Code de Procédure Pénale, sont notamment celles qui permettent la mise en place de nasses permettant la rétention à l’air libre des manifestants pendant une durée qui correspond justement aux quatre heures réglementaires de la vérification d’identité.
Ainsi, selon les dispositions de l’article 78-2 alinéa 6 du CPP : « sur réquisitions écrites du procureur de la Républiques aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat ».
Or, le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 24 janvier 2017, a décidé que pour être légalement viables ces ordonnances devaient justifier d’un lien entre le périmètre sur lesquelles elles s’appliquent et le type d’infraction recherchée (type vol, effraction, stup, détention d’armes et d’explosifs, comme on trouve habituellement dans les ordonnances qui permettent les arrestations et la nasse des manifestants).
Le texte est assez clair : « ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté d’aller et de venir, autoriser le Procureur de la République à retenir les lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions ».
cf : décision du conseil constitutionnel (paragraphe 23) : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2017/2016-606/607-qpc/decision-n-2016-606-607-qpc-du-24-janvier-2017.148526.html


Dans le cas de l’arrestation du Pont Pasteur, le périmètre défini par l’ordonnance regroupait donc l’intégralité du centre-ville pour des délits sans rapports avec une zone aussi étendue, détournant de fait la fonction de l’article 78-3.
L’avocat de l’inculpé avait d’ailleurs déjà obtenu une nullité sur un contrôle d’identité le 20 juin 2017 sur une décision de la Cour d’Appel de Rennes, dont les conclusions appliquaient précisément l’injonction du Conseil Constitutionnel.


¤ De la Cour Européenne des Droits de l’Homme :
La CEDH, dans une décision du 22 juin 2017, a sanctionné la France pour un usage disproportionné du prélèvement ADN qualifié d’atteinte « disproportionnée » à la vie privée.
L’affaire, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, concerne une affaire de violence sur agent (en l’occurence avec un parapluie) d’un agriculteur du Pays Basque, un délit qui motive souvent les arrestations de manifestants.
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/06/22/la-france-epinglee-par-la-cedh-pour-fichage-abusif_5149476_3214.html


L’avocat s’est montré très clair avec le tribunal sur ce point : « Nous sommes face à une législation française inconventionnelle, et je vous rappelle ce que l’on nous apprend dès notre 1ere année de droit, la hiérarchie des normes dans le droit« . C’est-à-dire qu’en la matière une décision européenne prévaut sur une législation nationale. Les juges et le procureur n’ont pas fait de commentaires.


Sur le recel de palette, l’avocat a soulevé le vide intersidéral du dossier des gendarmes, qui n’avaient fait qu’un récit indirect de l’action (relatant ce que leurs collègues pensaient avoir vu sans dresser avec eux un PV d’observation) et n’avaient aucune preuve formelle (photos, témoignages directs…). L’avocat a affirmé très clairement que son client n’était pas sur place (ce qui de fait pouvait annihiler le recel), que ça n’était pas sa voiture, et qu’en l’absence de preuve tangible il devait être directement relaxé des faits qui lui étaient reprochés.
Cette situation contrastait fortement avec les menaces des gendarmes lorsque le camarade s’était rendu au poste de Mordelles en octobre dernier, où face à son silence un de ces derniers lui avait assuré qu’il l’avait formellement identifié et qu’il témoignerait contre lui.
Le réquisitoire du procureur, visiblement blasé par le niveau des éléments dont il dispose face à l’argumentaire, est famélique : sans citer le moindre élément sur le fond, il évoque « un dossier de police plus mince que les conclusions de la défense » en soulignant que « les gendarmes n’ont pas mis les moyens dans cette affaire« .
Très clairement informé sur les principes de nullité évoqués sur le contrôle d’identité (il était lui même procureur sur la décision de la Cour d’Appel d’où vient la jurisprudence), il reconnaît la validité des arguments de l’avocat de la défense : « aucune infraction commise pouvant justifier une contrainte, l’article 78-3 n’a de fait pas été respecté« .
Assez résigné, il finit par demander 400 euros d’amende pour le recel des palettes.
Battu en brèche, le réquisitoire est renvoyé aux oubliettes : le camarade est RELAXÉ des deux chefs d’inculpations.

 

POURQUOI CE PROCÈS EST VICTOIRE IMPORTANTE :

Dans la vague répressive assez catastrophique que le mouvement rennais a connu ces derniers mois (affaire du motard, affaire des témoins…), cette relaxe est une bouffée d’air là où le sentiment d’écrasement de la mobilisation sociale devenait proprement insupportable.
Si les faits reprochés au camarade sont de fait assez mineurs, la procédure menée à son encontre par les service de police et de gendarmerie est à l’image de la politique de harcèlement et de sanction par la procédure (plus que par la peine définitive) que nous avons évoqué à plusieurs reprises dans nos compte-rendus.
Au même titre que pour les « grosses affaires », il nous semble absolument prioritaire de mettre en échec cette répression de basse-intensité, qui peut s’avérer à la longue extrêmement coûteuse et décourageante, notamment pour des personnes venant à peine de s’impliquer dans les luttes.
Les interpellations et les poursuites pour refus de signalétique était un symbole de ce harcèlement policier et judiciaire low-cost, qui ne se justifiait même plus de la moindre infraction réelle pour arrêter des gens et les faire rentrer manu militari dans la machine pénale.
L’attitude du camarade, qui a gardé le silence, refusé de fournir ni empreinte ni ADN, et choisi le moment qu’il jugeait opportun pour se rendre à sa convocation au poste (après avoir fait attendre les gendarmes pendant plusieurs mois), s’est révélée être clairement payante au bout du compte (sachant qu’il est possible de ne pas s’y rendre du tout).


Alors que les flics n’ont cessé de bluffer sur leurs moyens de coercition et les éléments à leur disposition, c’est parce qu’il ne leur a pas donné la moindre matière à mener leurs investigations qu’au bout du compte, ils se sont retrouvés face à leur propre misère en matière d’investigation et de moyens alloués à ce type de procédure.
Et pour cause : cette politique de harcèlement ne tient que par une complaisance des juges à l’égard des procédures bâclées par leur caractère industriel. Dès lors que des défenses structurées apparaissent (notamment autour de jurisprudences comme celles du Conseil Constitutionnel ou de la CEDH), les tribunaux sont contraints d’être beaucoup plus rigoureux dans l’examen des réquisitoires sous peine de se faire casser en Cour d’Appel.


Dans l’espoir que cette relaxe en engendre une multitude d’autres, nous appelons à faire tourner cette information le plus largement possible, et à nous envoyer les infos sur les autres procès où ces types de défense auraient été éprouvés.


Pour que la lutte continue, défendons-nous collectivement !


LA DÉFENSE COLLECTIVE RENNES


COMMUNIQUÉ DISPONIBLE EN VERSION PDF : relaxeprocès29juin

LA DERNIÈRE LOI SÉCURITAIRE DE HOLLANDE

C’est dans un hémicycle quasi-vide que la nouvelle loi sécuritaire de Hollande a été voté à la mi-février.

Après les manifs de flics en novembre dernier, un peu partout en France, Hollande fait un pas supplémentaire pour satisfaire les forces de l’ordre. Ces dernières avaient déjà obtenues une enveloppe de 250 millions d’euros pour s’armer et s’acheter de nouvelles cagoules…

 

A présent, avec cette nouvelle loi, l’usage de la LÉGITIME DÉFENSE pour la police se calque sur celui de la gendarmerie : « après des sommations » ils pourront faire usage de leurs armes si ils sont menacés ou agressés, pour défendre une zone ou pour immobiliser des véhicules.

Les syndicats de magistrats craignent déjà que cette nouvelle mesure ne donne l’illusion aux policiers d’utiliser plus facilement leur arme, une évolution « dangereuse parce que cela enverrait un message de revendication d’impunité lié à une catégorie de personne et non à des circonstances particulières« .

 

En outre, cette loi durcit les SANCTIONS POUR OUTRAGE À AGENT : maintenant insulter un keuf est passible des mêmes sanctions qu’un outrage à magistrat, soit un an de prison et 15 000 euros d’amende !

 

Toujours dans ce texte, l’ANONYMAT DES FLICS DANS LES PROCÉDURES JUDICIARES, qui n’était alors réservé qu’aux seuls enquêteurs de l’antiterrorisme. Un matricule viendra remplacé l’identité des policiers. Les avocats du barreau de Paris y voient une « remise en question du respect du contradictoire« .

 

Comme quoi, manifester dans les rues de Paris cagoulés et armés ça paye !

 

 

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Interdictions de manifs : le TA s’oppose à 4 interdictions de séjour

Interdictions de manifs : quatre arrêtés préfectoraux sur six cassés par le Tribunal Administratifs

Le décor (en carton-pâte) :

Ce lundi 17 octobre, six camarades étaient représentés au TA de Rennes pour contester leur interdiction de séjour dans le centre ville de Rennes les jours de manifestation contre la loi Travail/les violences policières/pour la ZAD, interdiction étendue au départ de l’université Rennes 2 et aux abords des cortèges, qu’ils soient déclarés ou non.

Ces interdictions de séjour, qui commencent une heure avant le départ des rassemblements (qui sont également concernés d’après un arrêté de la Cour de Cassation), durent jusqu’à minuit, et couvrent une très large portion du centre ville (des abords des prairies au sud de la Gare, du Tabor jusqu’au commissariat central). Elles ont quasiment toutes été produites le 13 septembre dernier, et courent jusqu’au 21 janvier 2017, date de la fin de l’état d’urgence (qui risque d’être très probablement renouvelé).

Il faut comprendre qu’à Rennes, la fonction préventive des interdictions administratives n’a pas pour but de donner la possibilité à la préfecture d’agir hors des sentiers légaux, mais de compléter et de renforcer des décisions judiciaires « classiques », notamment pour les personnes qui seraient en attente de procès, en appel ou dont le contrôle judiciaire serait trop faible au regard du danger que les interdits représenteraient.

Si c’est une spécialité locale que de délivrer des interdictions aussi étendues spatialement que temporellement, il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’ici, l’écrasante majorité des interdictions de manifester l’ont été par le biais des contrôles judiciaires : un peu plus de cinquante contre une quinzaine d’interdictions administratives effectives (avec une marge liée aux interdictions non délivrées et celles qui ont concernées les mêmes personnes pour des périodes différentes).

Et contrairement à ce qu’on aurait pu croire, ces interdictions n’étaient pas justifiées par des notes blanches du renseignement, mais par le simple fait que les six personnes impliquées auraient une « situation judiciaire » en cours :

  1. l’un avait déjà été condamné, incarcéré et a fait appel de la décision du premier juge pour des faits survenus après une manif, ce qui signifie que sa culpabilité devait être examinée par la cour d’appel de Rennes.
    Livreur sur la zone concerné par les interdictions, il pouvait se retrouver à croiser une manif pendant ses heures de boulot, et de fait être arrêté et condamné.

  2. un autre était mis en examen dans le cadre d’une instruction pour une action hors manif, ce qui n’indique en rien qu’il soit coupable des faits reprochés puisque son procès n’aura lieu qu’à la fin de la longue enquête.
    Par ailleurs, un juge des libertés avait rejeté la demande (très insistante) du procureur et de la juge d’instruction de l’interdir de manifester jusqu’à son procès, une décision qui avait été confirmée plus tard par la cour d’appel de la chambre de l’instruction de Rennes contre le recours du Parquet.

  3. trois autres ont été interpellés au mois de septembre pour des faits de dégradations (tags) sur différentes manifs qui remontaient jusqu’au mois de février dernier. Leurs procès n’ayant lieu qu’au mois de novembre et de décembre, ils n’étaient donc pas reconnus coupables des faits reprochés.
    Vivant dans la zone concernée par le périmètre, ils devaient donc techniquement quitter leur logement les jours de rassemblement/manifestation pour ne pas être arrêtés et déférés

  4. un autre était interdit sur la base d’une interpellation qui n’a jamais eu lieu (il a en fait été arrêté quelques jours après cette interpellation imaginaire), pour des motifs liés à une action de blocage ayant eu lieu hors du cadre des manifs.

Il faut préciser qu’hormis l’évocation sans preuve (ni PV, ni éléments matériels) de ces mises en cause dans des affaires judiciaires en cours, la préfécture n’a strictement rien avancé d’autre en terme d’arguments, et qu’elle n’a joint aucune pièce justificative au dossier pour étayer sa défense face au recours.
Bref, c’était le dossier le plus vide qu’on ait vu depuis très longtemps dans des tribunaux rennais (où on condamne pourtant souvent sur des bases inexistantes), qui plus est truffé d’erreurs grossières et de confusions en tous genre.
Pour preuve qu’on peut être totalement à la masse et représenter devant un juge la préfecture de Rennes, la juriste n’avait pas compris qu’une manifestation avait lieu ce mardi en arrivant au tribunal.

Faute du moindre élément solide à fournir, elle s’est livré à plusieurs reprises à des hors-pistes juridiques complètement foireux destinés manifestement à mystifier les juges :

  1. que camarade livreur de pizza était employé comme « employé polyvalent », et que par conséquent il était de son devoir se consacrer à la plonge et au récurage des fours les jours de manif

  2. que le secret de l’instruction empêchait la préfecture l’empêchait de fournir des preuves matérielles concernant la menace que réprésentait les interdits, alors qu’un seul des camarades était concerné par cette situation, et sachant que la préfecture n’avait même fourni pas la preuve que celui-ci était mis en examen.

  3. que la justice administrative avait une fonction préventive, et que par conséquent elle pouvait légitimement se baser sur des suspicions qui seraient remises en cause par le résultat des procès à venir, et donc se torcher le cul avec la présomption d’innocence.

Les outils de démolition :

En recoupant les textes et les recours effectués sur Paris, les principaux arguments avancés pour casser les interdictions étaient les suivants :

  1. que l’interdiction de manifester est contraire aux droits fondamentaux prétenduement garantis par une Constitution dont le poids est techniquement supérieur aux arrêtés préfectoraux dans la hiérarchie du droit.

  2. qu’il n’existe pas en droit français d’interdiction de manifester (surtout pas dans le droit administratif), hormis pour un cas : lorsqu’on est condamné en correctionnelle pour des faits commis en manif, une peine complémentaire d’interdiction de manifester peut être prononcée par un juge du pénal.
    C’est donc par une transformation et un détournement de l’interdiction de séjour que le préfet bricole une décision administrative irrégulière de manifester.

  3. que ces arrêtés, qui concernent également toutes les manifestations non déclarées et sur une période très large, peuvent mettre en danger les interdits dès lors qu’un cortège spontané croise leur route sans qu’ils puissent l’anticiper.

  4. que le motif invoqué pour caractériser le danger des personnes interdites est complètement flou : l’entrave à l’action des pouvoirs publics, qui de fait peut concerner n’importe quelle personne qui souhaiterait s’opposer à l’application d’une loi votée par le Parlement.

Le constat de sortie :

C’était la deuxième tentative de recours sur ces interdictions, la première ayant été jugée irrecevable par le juge administratif au motif qu’il n’y avait pas d’urgence à statuer puisqu’aucune manifestation concernée par l’arrêté n’était annoncée…

Déjà à ce moment là, le tribunal administratif avait cherché à tout prix à éviter de prendre une décision qui aurait pu avoir des conséquences importantes pour l’ensemble des autres interdictions passées et à venir.

Fait notable, il n’y avait pas un mais trois juges pour statuer sur la décision, ce qui est extrêmement rare au tribunal administratif, preuve que l’affaire était préoccupante pour ces adeptes du confort bureaucratique liée à leur juridiction.
Et c’est un des problèmes propres à ces arrêtés préfectoraux : alors qu’elle s’appuie sur des éléments de justice pénale, l’interdiction administrative est censée être évaluée par des gens qui n’ont absolument pas les compétences et la connaissances des règles du tribunal correctionnel.
C’est grâce à cela que la représentante de la préfecture a pu raconter absolulement n’importe quoi (notamment sur le secret de l’instruction), et c’est surtout pour cette raison que les juges n’ont jugé que sur des critères complètement secondaires (le fait que des interdits habitent dans la zone et voient leur « intimité » menacée) au regard de la privation de liberté très grave que l’interdiction constitue.

Au final, sur 5 interdits de manif, 3 qui habitent le centre-ville se voit à nouveau autoriser le retour dans les cortèges. Pour les 2 autres, il faudra attendre qu’ils puissent justifier d’une activité dans le centre, au-delà même de celle d’avoir un travail. En effet, c’est bien la domesticité qui prévaut dans cette réponse de la juridiction, car à part pour un des interditds de manif qui peut y retourner car les motifs étaient bien trop vagues et basés sur une interpellation qui n’existe pas, pour les deux autres personnes il s’agit bien de la localisation de leur lieu de vie, qui leur permet cette liberté.

LEXIQUE

Prévenu : personne qui bénéficie toujours de la présomption d’innocence car elle n’est pas condamné définitivement. On peut être prévenu avant un jugement et après si on a fait appel de la décision du premier jugement.

Inculpé/mis en examen : personne accusée d’un crime ou d’un délit dans le cadre d’une enquête en cours contre elle.

Aide juridictionnelle : aide de l’État réservée à ceux qui ont des faibles ressources, pour payer l’avocat de son choix (à condition qu’il accepte). Il faut faire la demande auprès du greffe du tribunal.

Commis d’office : avocat de permanence payé par l’État pour assurer la défense d’accusés n’ayant pas leur propre conseil. Attention le commis d’office n’est pas toujours de bon conseil (quand il vous demande d’accepter la compa immédiate par exemple…). On peut révoquer un commis d’office et et obtenir la désignation d’un autre.

Défèrement : le fait d’être emmené au palais de Justice après la garde à vue.

Comparution immédiate : synonyme de justice expéditive.Elle s’applique uniquement pour les délits et sur demande du procureur. C’est une procédure accélérée pour être jugé tout de suite après la garde-à-vue, cela épargne du temps à l’institution judiciaire et permet de réprimer efficacement toute forme de révolte. L’accusé n’a pas le temps de préparer sa défense, le procès est expédié le plus souvent en 10 minutes. Un conseil : refuse la compa immédiate et demande un délai pour préparer ta défense, le procès sera renvoyé à une date ultérieure. Dans ce cas, le procureur peut demander la mise en détention provisoire jusqu’à la date du procès, ton avocat devra plaider pour ta remise en liberté en s’appuyant sur des garanties de représentation.

Garanties de représentation : elles sont à présenter devant le juge lors d’une audience pour justifier d’un domicile, d’un travail, d’un statut… Elles peuvent êtres utiles pour éviter l’incarcération : – attestation de domicile ou d’hébergement – attestation de travail ou promesse d’embauche – papiers d’identité…

Détention provisoire (« la préventive ») : en attente d’un report de comparution immédiate ou dans le cadre d’une mise en examen, le juge peut décider de placer le prévenu ou le mis en examen en prison.

Contrôle judiciaire : il peut comporter l’obligation de signer à fréquence régulière au commissariat, l’interdiction de se trouver à certains endroits, ou bien encore l’interdiction de voir certaines personnes : tout un éventail d’obligations et d’interdictions plus ou moins contraignantes, et donc plus ou moins faciles à contourner.

Mise en examen : après une garde à vue, lorsque le procureur décide que la personne doit passer devant un juge d’instruction, ce dernier peut décider de sa mise en examen ou non pour les faits qui lui sont reprochés. Cette mise en examen signifie le plus souvent qu’il y aura un procès au terme de l’enquête. C’est une procédure longue et contraignante qui fait entre autres peser la menace d’une incarcération, possible tout au long de cette enquête.

Reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) : pour ceux qui reconnaissent leur culpabilité après ou pendant la garde à vue, il peut leur être proposé une peine et s’ils la refusent ils auront un procès. La médiation pénale et la composition pénale fonctionnent à peu près sur le même principe.

Mandat de dépôt : la personne est transférée immédiatement en maison d’arrêt.

Appel : faire appel siginifie lancé une procédure pour que l’affaire soit jugée de nouveau devant un tribunal spécialisée, la Cour d’Appel, qui peut revenir sur le fond (les éléments) et sur la forme (respect des procédures) du premier jugement.

Refus de signalétique ou d’ADN : consiste, lors de la garde à vue, à refuser la prise d’empreintes digitales, la prise de photos et le prélèvement ADN. Cela constitue un délit aux yeux de la loi. C’est la plupart du temps puni d’une amende ou d’une peine de sursis.

Juge des Libertés et de la Détention (JLD) : juge spécialement chargé de statuer sur la mise en détention provisoire d’une personne mise en examen, et également de statuer sur les demandes de mise en liberté d’un justiciable.

Juge d’Instruction : magistrat chargé d’instruire à charge et à décharge les enquêtes judiciaires. Sa mission est de faire « tout acte utile à la manifestation de la vérité », ainsi il dispose de larges pouvoirs d’investigation mais dans la stricte limite de sa saisine (laquelle est fixée par le procureur de la république). A la fin de son investigation il rend une ordonnance de renvoi ou de non-lieu selon ses conclusions.

Juge d’Application des Peines (JAP) : juge spécialement chargé de suivre les condamnés à l’intérieur et à l’extérieur de la prison. Il peut accorder des réductions de peines, des permissions de sortir, la liberté conditionnelle, l’aménagement de la peine (bracelet électronique, restrictions, TIG…) le tout après avis de la commission d’application des peines. Il est chargé également de veiller à l’execution des peines.

Parquet / Procureur / Substitut : le parquet est l’ensemble des procureurs et substituts. Il représente l’accusation, décide de ce dont on va être accusé, de si l’on va passer au tribunal et propose une peine le jour du procès.

Météorologie de la Défense Collective

METEOROLOGIE DE LA DEFENSE COLLECTIVE :
QUELQUES ECLAIRCIES POUR DISSIPER LE BROUILLARD

« DEFENSE COLLECTIVE », C’EST QUOI : UN PRINCIPE DE DEFENSE OU UN GROUPE POLITIQUE ? Des principes politiques sur des sphères ciblées, partagés par un groupe de gens actifs et autoconstitués, indépendants de toute assemblée générale, de tout groupe politique avec une théorie globale, ou autre comité.

Partant du constat que notre exploitation se resserre sous l’action commune de différents étaux (économie globale, mesures gouvernementales, politiques d’entreprises, administration, maintien de l’ordre et machinerie juridique,etc ), nous sommes tous des manifestants actifs dans le mouvement contre la Loi Travail, énième attaque d’un même système capitaliste à combattre. A partir de ce dénominateur commun minimal, manifestants et révolutionnaires nous cherchons à contrer les effets oppressants de ces étaux en construisant des rapports de force solidaires dans ces différents espaces sociaux. Au sein de la Défense Collective, nous ne partageons pas d’affiliation théorique commune plus large sur la société et les projets révolutionnaires que ce minima.

En revanche, par parti-pris idéologique et souci d’efficience dans la construction d’un rapport de force cohésif et solidaire, nous partageons des principes politiques communs sur des aspects mis en pratiques dans des espaces sociaux tels que les manifestations, les commissariats, les tribunaux, et les prisons (les espaces de travail ou d’administration pourraient en faire partie mais ne composent pas la majeure partie de nos activités actuelles) : « la solidarité de la rue au tribunaux ». A partir de ses principes de bases auquel il convient d’adhérer pour participer à la Défense Collective de Rennes, nous réfléchissons collectivement à diverses préconisations. Ces principes de bases sont :

1- Agir et se défendre selon des logiques COLLECTIVES → d’où le rejet intransigeant de toute dissociation bon/mauvais manifestant, en manif comme au tribunal. L’intérêt individuel de se dissocier pour écoper moins n’est selon nous pas valable, et affaiblit l’ensemble des gens qui résistent à ce système car ça généralise une attitude de soumission et de connivence avec l’ordre établi. Nous ne soutiendrons aucune défense qui joue ce jeu aux dépens des autres camarades. Avec ce souci d’intérêt collectif nous nourrissons des réflexions pour s’adapter au mieux aux situations de chaque inculpé-e, sans envoyer des gens au casse-pipe par des défenses mal habiles de revendication telles qu’une caricature de posture collective pourrait laisser à penser. Pour ce faire, nous pensons préalablement et collectivement tout discours porté publiquement sur une affaire, collectons le maximum d’informations, développons des partenariats avec différents avocats et incluons évidemment les inculpé-es concerné-es dans les choix et l’élaboration de leur défense (et plus si désir plus large d’investissement).

1bis … selon des logiques COLLECTIVES et NON AFFINITAIRES →Collectif ça veut dire qui ? Pour le moment, en temps de mouvement, nous limitons notre champ de défense à tou-tes les personnes actives du mouvement, qu’elles soient organisées au sein du milieu militant ou pas. Par ailleurs, ces personnes non organisées sont plus vulnérables, car sans réseau de soutien derrière elles. Concernant les inculpé-es, nous offrons notre aide s’ils acceptent nos principes de base et s’investissent a minima dans leur affaire (nous prônons la défense collective, pas la « défense par les autres pour moi »), et au mieux dans le processus collectif que nous développons. Afin de dépasser des logiques affinitaires qui peuvent creuser un fossé entre militant spécialiste aguerri et profane démuni nous prônons aussi la diffusion des savoirs/pratiques/matériels au sein des personnes mobilisées. Créer une cohésion rassurante dans un cortège est un objectif afin d’atteindre les objectifs des manifestants avec le moins de blessé-es, inculpé-es, et traumatisé-es possible, et ça se prépare en amont. Afin d’aider les personnes non organisées politiquement mais saisies par la justice, la Défense Collective rennaise se rend fréquemment en comparution immédiate et cherche à regrouper les informations grâce au téléphone de la legal team, ou par emails.

2- Ne pas faciliter le travail des diverses instances répressives (police, justice, administration…) → La police comme la justice, en tant qu’ étaux de notre exploitation et de notre soumission à celle-ci sont des espaces de conflit politique à affronter en tant que tels. Nous ne recherchons pas la grâce de notre profil auprès de ces instances, nous ne cherchons pas notre légitimité dans les règles de son jeu. En cela, nous préconisons des pratiques de protection contre l’identification dans la rue comme dans les comicos, des pratiques permettant de restreindre le champ déjà immense de ses investigations telles que le refus du fichage, le « rien à déclarer » en GAV, ne pas se rendre au convocations, refuser les comparutions immédiates, etc. Se protéger d’une part, et se défendre politiquement de l’autre.

UNE LEGERE BRUME QUI SE LEVE FACILEMENT POUR QUI S’Y INTERESSE

Suite à des retours sur une opacité de notre part, nous exposons ici quelques éclaircissements. Certains ont déjà été abordés dans les principes, tels que les espaces de nos interventions et de nos réflexions, et les personnes à qui cette démarche s’adresse.

Concernant nos multiples activités,
Côté diffusion pratique et matérielle nous pensons être assez visibles ; notamment grâce à des ateliers de formation juridique et d’échanges sur les pratiques de manifs, régulièrement annoncés publiquement en Assemblée Générale (surtout à la fac il est vrai), ouverts à tous, et qui sont un préalable à tout investissement actif au sein de la Défense Collective.

Côté réflexions, préconisations, et réactivité à l’actualité répressive rennaise, il est possible pour tout un chacun d’aller sur notre FB defense.collective, ou sur notre site defensecollective.noblogs.org . Vous pourrez y lire les diverses préconisations portées après réflexion collective, préconisations dont il est évidemment possible de discuter ensemble, en AG, ou dans les temps des ateliers formations et échange de pratiques, ou encore lors de réunions publiques.

Côté transparence sur nos réflexions, nos activités, mais attention, le côté obscur de la force, quelle gestion de nos sous !? Tout d’abord, pour des soucis évidents de sécurité, d’établissement de liens de confiance avec les avocats partenaires, et suivant ce principe de ne pas donner plus aux machines d’instruction et répression, nous ne pouvons pas publier la tenue de nos comptes, les tarifs négociés, les tickets de caisse, etc. Cependant, nous tenons nos comptes pour nous-mêmes, sommes transparents avec les inculpés, mais pouvons redire encore à quoi servent les sous récoltés : une partie (environ un tiers) va à des achats matériels (visant la diffusion de pratiques ou l’organisation d’événements de récolte de fonds), tandis que le reste part dans des frais juridiques.
Nous ne publions pas la liste des affaires que nous suivons (encore pour les mêmes raisons) mais nous pouvons au jour d’aujourd’hui dire qu’on a suivi une soixantaine de dossiers.

DES CRUES ABONDANTES MAIS PAS DEBORDANTES

En effet, en ces temps de fortes répressions, la Défense Collective rennaise s’active vivement, en fonction des contraintes inhérentes à l’actualité. Malgré la suspension du mouvement durant l’été, la répression ne s’est pas suspendue, et plusieurs affaires sur des contrôles judiciaires, du soutien en situation carcérale, des réflexions, préconisations, et collectes d’informations sur diverses convocations, etc, ont bien rempli l’été. La Défense Collective continue activement sa route à travers les différentes zones de turbulence, et reste un outil ouvert à l’investissement de qui partage ses principes de base. Nous aspirons dans l’idéal à dépasser la sphère militante pour développer une culture de la défense collective dans différents espaces hors mouvements (travail, administrations, vie quotidienne, tels que cela a été initié à la Maison du Peuple), mais agissons avec les moyens du bord selon la saison actuelle de mouvement social.

Solidarité de la rue aux tribunaux
Soirée Défense Collective Mardi 19 Septembre à Rennes 2 à 18H
defense.collective@riseup.net
defensecollective.noblogs.org
www.facebook.com/Défense-Collective