Ce mardi 4 juin à Rennes avait lieu le procès de l’affaire des 20 du métro, 3 ans après leur arrestation.
Cette affaire, survenue dans le cadre de la répression du mouvement contre la Loi Travail avec l’arrestation de dix-neuf personnes lors d’une action pour les transports gratuits et une autre quelques heures plus tard, avait donné lieu à un déploiement sans précédent de moyens policiers et judiciaires : enquête préliminaire avec filatures, écoutes, surveillance de locaux syndicaux… et ouverture d’une instruction qui avait placé vingt personnes sous contrôle judiciaire pendant près de huit mois.
Un rassemblement devant la cité judiciaire de Rennes, auquel 150 personnes ont pris part, était appelé à travers un texte qui résumait l’essentiel de la procédure: https://soutienaux20dumetro.noblogs.org/
Voici le résumé rapide de l’audience, dont nous produirons un récit détaillé et une analyse dans les temps à venir :
Sur les conditions d’audience et les questions des magistrats :
Fait inédit, le juge qui présidait l’audience (qui n’est autre que celui qui dirige la JIRS, juridiction spécialisée dans la délinquance organisée), a choisi de faire venir à la barre les inculpés en groupe par stations de métro pour les interroger.
Face à des questions récurrentes sur leur attitude collective face à la police et la justice, ces derniers ont tous opposé un refus ferme lorsqu’on leur a demandé de justifier le fait de garder le silence, ou d’expliquer au tribunal leur situation sociale et personnelle actuelle.
Sur le requisitoire du procureur :
Ce dernier, manifestement très mal à l’aise, a tenté piteusement de justifier l’enquête préliminaire qui avait conduit aux arrestations. En désavouant régulièrement le travail des enquêteurs, il est même allé jusqu’à s’excuser des termes mobilisés dans la presse pour légitimer l’ouverture de l’instruction et la demande de placement en détention des mis en examen.
Faute d’élément de personnalité (puisque les inculpés ont tous refusé de répondre aux questions sur leur profil) et compte tenu du casier vierge des prévenus, le procureur a requis une peine unique pour tous de 6 mois de prison avec sursis pour l’association de malfaiteurs et les dégradations.
Pour le refus de signalétique (empreinte + ADN), le procureur a requis une peine d’amende proportionnelle aux revenus « dont chacun pourra se justifier ».
L’avocat de Keolys, chargé de la partie civile, a réclamé un montant de 11750 euros : celui-ci comprenait un préjudice matériel de 8550 euros, un préjudice financier de 3200 euros, auxquels s’ajoute une demande de 4000 euros de frais d’avocat et de procédure engagés par la société.
Les plaidoiries des cinq avocats se sont structurées autour de différents axes de défense :
– sur l’absence de responsabilité sous le chef d’association de malfaiteurs de la personne absente le jour de l’action
– sur la dimension politique et médiatique de l’affaire au sortir de la loi Travail, qualifiée de bulle judiciaire en décalage complet avec des revendications très classiques autour des transports gratuits
– sur le fait qu’il s’agissait de dégradations légères (une minorité de bornes auraient été endommagées, la plupart étaient justes désactivées au moment de l’intervention des forces de l’ordre). Cette requalification était d’une grande importance puisque la dégradation légère est de nature contraventionnelle, et ne pouvait donc valider l’association de malfaiteur qui ne s’applique que pour des délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement.
D’autre part, il s’agissait d’une remise en cause complète de la demande de partie-civile complètement surévaluée : stations fermées pour réparer quelques bornes, calculs aberrants sur le préjudice financier lié à l’absence de validation des titres de transport alors qu’au moins une borne était opérationnelle partout…
– sur la défense du droit au silence appliqué systématiquement par tous les inculpés, malgré les attaques constantes par les flics et les magistrats. Dans le même prolongement, il s’agissait de défendre fermement le refus de produire des informations de profils de la part des inculpés sur leur situation sociale, et de manière générale les pratiques de défense collective au tribunal.
Cet axe de défense visait aussi à remettre en cause la forme « paramilitaire » et hiérarchisée de la prétendue association malfaiteur, qui serait dirigée par des leaders « dérangés psychologiquement et idéologiquement » au détriment de suiveurs fanatisés.
– sur l’impossibilité d’appliquer l’association de malfaiteur sur n’importe quelle pratique militante ou syndicale : alors même qu’il n’y aurait aucune preuve concrète sur des préparatifs matériels ou des réunions d’organisation, l’association de malfaiteurs (en plus des chefs d’inculpations classiques type dégradation) ne pourrait se justifier uniquement sur la base du caractère organisé et coordonné des actions.
Après une heure de délibération, le verdict est tombé : à l’exception de la personne absente lors de l’action qui écope d’un mois de sursis pour refus de signalétique, l’ensemble des dix-neuf autres inculpés ont été condamnés à 4 mois de prison avec sursis pour association de malfaiteurs, dégradations en réunion de biens d’utilité publique. Ils ont été condamnés également pour refus de signalétique (excepté quelques uns qui avait donné leur ADN et/ou leurs empreintes), sous la forme d’une amende allant de 150 à 300 euros.
La partie-civile, particulièrement mise à mal par une des avocats de la défense, a été réduite à 1600 euros à partager entre les dix-neuf personnes condamnées, à laquelle s’ajoute pour chacun 127 euros de frais de procédure et 80 euros pour les frais d’avocat de Keolys.