Le premier round des recours contre notre dissolution a eu lieu fin juin 2024, nous donnons des nouvelles de cette bataille dans notre tribune.
Nous avons pris connaissance par voie de presse d’une annonce gouvernementale concernant la dissolution de la Défense Collective.
Cette annonce intervient dans un contexte particulier : la préfecture d’Ille-et-Vilaine, récemment humiliée par le fiasco retentissant d’une longue enquête anti-stup, se trouve prise dans un conflit ouvert et très médiatique avec la mairie, la présidence de l’université Rennes 2 et la bâtonnière de Rennes, pour trouver un bouc émissaire à l’échec cuisant du maintien de l’ordre lors de la manifestation contre la loi immigration du 25 janvier.
Les articles de presse n’ont pas manqué pour attribuer à la Défense Collective, selon leurs habituelles sources policières, la responsabilité de l’ensemble des actes commis lors de cette manifestation (alors qu’aucun procès ni même aucune interpellation n’a eu lieu concernant cette soirée). Ce n’est pas un phénomène nouveau, comme nous l’a confirmé maintes fois l’étude de nombreux dossiers judiciaires et notamment les procès-verbaux de contexte. Systématiquement, et avant toute enquête, la police part du principe que la Défense Collective est responsable de tous les affrontements et dégradations lors des manifestations rennaises.
Publiquement mis en cause de tous côtés pour son échec à maintenir l’ordre lors de cette manifestation, le préfet d’Ille-et-Vilaine peut cependant compter sur le soutien de son ministre. En l’occurrence, le choix est fait de dissoudre la Défense collective par la voie administrative, le gouvernement espérant sans doute éteindre ainsi le foyer de contestation qu’est la ville de Rennes depuis de nombreuses années.
Cette dissolution était déjà envisagée de longue date : au printemps dernier, au plus fort du mouvement contre la réforme des retraites, Gérald Darmanin avait annoncé cette mesure, sans suite à l’époque. Cette fois-ci, il semblerait que le gouvernement compte aller au bout de ses annonces.
Nous le disions à l’époque et nous le réaffirmons aujourd’hui : une telle mesure de dissolution, prononcée contre un collectif qui assure la défense au tribunal des personnes inculpées lors des mouvements sociaux, est une attaque grave et inédite contre les droits de la défense.
Depuis notre fondation en 2016 et le mouvement contre la Loi El Khomri, nous nous réunissons en assemblées publiques hebdomadaires ouvertes à toutes celles et ceux qui souhaitent s’organiser contre la répression des mouvements sociaux. Nous avons ainsi travaillé avec plusieurs centaines d’inculpés et inculpées afin d’élaborer collectivement les meilleures défenses possibles. Nous avons de cette façon obtenu de très nombreuses victoires et jurisprudences utiles à tous les justiciables et à l’ensemble du mouvement social.
Notre dissolution, si elle venait à se concrétiser, ne mènerait évidemment pas à éteindre la combativité de longue date du mouvement social rennais. Elle ouvrirait en revanche un boulevard aux pratiques répressives, en interdisant purement et simplement le travail que nous menons pour assurer une défense de qualité et dans les meilleures conditions à toutes et tous les inculpés, quels que soient leurs revenus, leur situation sociale, judiciaire ou personnelle.
Nous réaffirmons également autre chose : notre activité de défense judiciaire des inculpés nous amène à défendre tous les camarades mis en cause lors des mouvements sociaux, quand bien même nous serions en désaccord politique ou stratégique avec les faits qui leur sont imputés. Ce débat sur la légitimité ou la pertinence des actions appartient aux espaces d’organisation du mouvement, tels que les assemblées générales ou les divers comités. Il ne pourrait être question de laisser ces considérations guider nos choix de défendre telle ou tel inculpé, à moins d’abandonner totalement toute notion de droit à la défense.
Au-delà de notre travail crucial dans les tribunaux, nous revendiquons une présence active dans la rue et assumons des pratiques de défense des cortèges face à la répression, parmi lesquelles l’organisation de la protection du cortège face au gazage généralisé, aux tirs de LBD, de grenades et autres armes de dispersion. Dans une période où le pouvoir et sa police ont maintes et maintes fois montré que tous les manifestants et manifestantes étaient une cible potentielle, nous croyons que la réponse la plus adaptée est la diffusion massive de pratiques de défense communes dans l’ensemble du mouvement social, de la rue aux tribunaux. Nous sommes fiers et fières de défendre une vision émancipatrice de la lutte grâce à nos ateliers juridiques et stratégiques, à la distribution de matériel de protection et de conseils en manifestation et en assemblées, ou encore à la diffusion d’une culture de la défense et de la solidarité à travers les cortèges et bien au-delà de notre petite ville.
Ce qui est attaqué, à travers la Défense Collective, c’est bien plus largement la possibilité même de se défendre ensemble au tribunal, ou de se protéger des armes de la police. Ce sont les pratiques du mouvement social et non seulement celles d’un collectif politique. La question se pose donc : quelles conséquences sur nos pratiques pourrait avoir une procédure de dissolution ? Le pouvoir compte-il inculper pour « reconstitution de ligue dissoute » tout Rennais ou Rennaise qui déciderait de ne pas se défendre seul au tribunal ? de ne pas se défendre seul dans la rue ? de proposer des formations juridiques en assemblées de lutte ?
Comme nous l’avons déjà dis précédemment, nous pensons que l’emploi généralisé des procédures de dissolution aujourd’hui constitue une nouvelle étape dans la frénésie répressive d’un pouvoir aux abois. Nous tenons à rappeler ici notre opposition formelle à toute procédure de dissolution, qu’elle s’attaque aux camarades ou aux ennemis, car nous nous refusons à soutenir un dispositif répressif qui finit inéluctablement par se retourner contre le mouvement social, comme c’est le cas actuellement.
Une chose est certaine : peu importe la suite des évènements, le combat continuera. Il va sans dire que nous avons l’intention de nous défendre farouchement contre cette procédure si elle venait à se concrétiser. Nous tenons d’ailleurs à remercier tous les collectifs et organisations qui nous ont d’ores et déjà apporté leur soutien, et tous ceux qui continuerons de le faire en partageant ce communiqué.
En attendant d’en savoir plus sur ce qui justifie ce montage politique du ministère de l’Intérieur, nous voulons ici réaffirmer notre engagement auprès des 48 personnes dont nous assurons actuellement le suivi dans les différentes juridictions rennaises et à la Cour de Cassation, ainsi qu’envers toutes et tous les camarades qui subissent la répression policière et judiciaire.
L’appareil répressif, lui, semble encore loin d’être dissout, alors comme toujours nous vous invitons à aider à financer les frais de justice des nombreuses affaires que nous suivons en faisant un don à la Caisse de Soutien aux Inculpé-es du Mouvement Social.
Par ailleurs, nous tenons à rappeler que la Défense Collective s’exprime uniquement en son nom propre, et ne possède à son actif que les canaux de communication qui lui sont directement affiliés :
– notre site https://defensecollective.noblogs.org/
– notre mail defense.collective@riseup.net
– notre permanence téléphonique au +33 7.51.28.26.11 (également sur Signal)
– notre instagram @defensecollective
– notre facebook Défense Collective
– notre compte X @Defense_Co
– notre compte tiktok @defensecollective
Nous continuerons à communiquer sur cette procédure et malgré les déclarations de Darmanin, aucun décret de dissolution n’a été promulgué contre nous. Nous continuons donc nos activités normalement et nous vous invitons à rejoindre les prochains événements publics que nous organiserons pour continuer la lutte, qui seront eux aussi annoncés via les réseaux mentionnés plus haut.
Le prochain rendez-vous portera d’ailleurs sur cette dissolution, puisque nous vous convions à un atelier qui aura pour but d’expliquer l’histoire et le fonctionnement de cette procédure, le jeudi 15 février à 18h à la Bibliothèque Universitaire de Beaulieu.
À bientôt dans la rue et dans les tribunaux !
– LA DÉFENSE COLLECTIVE